Il y a de ces faits divers qui nous hantent, nous obsèdent, nous poursuivent et envahissent nos pensées dans nos moindres temps morts… L’histoire du jeune Luc Taron, enlevé à Paris en 1964 et retrouvé sans vie dans la forêt de Verrières, a accompagné Philippe Jaenada durant quatre ans, le temps qu’a duré l’écriture de son roman Au printemps des monstres.

Qui est ce garçon solitaire dont la disparition semble avoir monopolisé toute l’attention en cette fin de printemps ? L’auteur se lance dans un compte rendu des faits chronologique, en commençant son récit sur les lieux où l’enfant a été retrouvé, un bois situé à une vingtaine de kilomètres de Paris, où il habitait. On le découvre avec lui, cet enfant que l’on qualifie de « fugueur », « particulièrement difficile et instable ». On fait aussi connaissance avec ses parents, essayant de se représenter l’horreur du drame qu’ils ont vécu, un cauchemar amplifié par la tempête médiatique et toute l’attention qu’a suscitées l’affaire. Puis, lorsque tous les soupçons se tournent vers eux, c’est la débâcle, jusqu’à ce que la cible parfaite soit trouvée : un homme qui provoque les médias et signe ses déclarations sous le surnom de l’Étrangleur, menant à ce qu’on appelle « l’arrestation du siècle ».

L’auteur passe en revue minutieusement tout ce qui a été dit et écrit sur le sujet – presse, radio, télé, le tout rapporté textuellement –, secondé par les documents d’enquête qu’il a épluchés et le livre de Stéphane Troplain et Jean-Louis Ivani dont il s’est servi (Le voleur de crimes), sur ce qui a été surnommé « l’affaire Léger ».

Tout fait divers – de cette ampleur, de surcroît – mérite sans aucun doute qu’on se penche dessus afin d’en révéler l’horreur et de lever le voile sur les évènements qui y ont conduit. Mais l’histoire de Luc Taron n’est peut-être pas assez près de nous pour nous tenir en haleine pendant plus de 700 pages ; même le lecteur très intéressé finit par s’essouffler.

Par les excès de détails, par le rendu de ce qui s’est produit d’heure en heure, à la manière d’un procès-verbal qui aurait été romancé et agrémenté des impressions de l’auteur, comme s’il avait été présent pour tout observer et consigner du début à la fin.

En fin de compte, on finit par perdre de vue le petit Luc Taron. Si la première partie de l’œuvre est prenante, c’est tout juste avant la dernière que l’on ressent à nouveau ce frémissement apparu lors des premiers chapitres. L’enquête aurait pu être passionnante. Mais à force de vouloir tout rapporter et tout écrire, sur ses moindres ramifications, sur toutes les personnes qui ont évolué de près ou de loin autour de l’affaire, elle se retrouve, à son insu, noyée dans les détails.

Au printemps des monstres

Au printemps des monstres

Mialet Barrault

752 pages

6/10