Montréal est très présent dans 26 nœuds, le premier roman de Bindu Suresh, une pédiatre diplômée en littérature de l’Université Columbia qui a déjà travaillé comme journaliste à The Gazette. Elle nous raconte son parcours original et étonnant.

Au téléphone, la voix est enjouée, chaleureuse. Bindu Suresh est visiblement heureuse de parler de la traduction de son premier roman, un texte sur lequel elle a travaillé pendant de nombreuses années.

La jeune femme a un parcours atypique qui vaut la peine d’être raconté. Née au pays de Galles, elle a vécu en Saskatchewan puis en Alberta (ses parents et son frère vivent toujours à Calgary). C’est durant ses études en littérature à Ottawa qu’elle a fait la découverte de Montréal, où elle venait passer des week-ends. Mais c’est un stage comme journaliste au quotidien The Gazette qui a scellé sa relation avec la métropole. « Je suis tombée en amour, dit-elle. J’ai tout de suite aimé l’atmosphère, les gens. C’est d’ailleurs à Montréal que j’ai commencé à écrire mon livre. »

Bindu Suresh a beau adorer Montréal, c’est une fille qui a la bougeotte. Elle décide donc de s’inscrire à la maîtrise à l’Université Columbia, à New York. L’écriture est un besoin vital, mais plus le temps passe et plus la jeune femme comprend que ce n’est peut-être pas ce qui mettra du beurre sur son pain. « J’ai donc réfléchi à un travail qui serait stimulant intellectuellement, mais qui me laisserait du temps pour écrire, explique-t-elle. J’ai pensé à la médecine en me disant que cela me permettrait d’aménager mon horaire à ma guise. »

Un manuscrit à la mer

Quand elle arrive comme étudiante en médecine à l’Université McGill, Bindu Suresh a le premier jet de son roman dans sa valise. Il lui aura fallu cinq ans pour l’achever. Nous sommes en 2008 et durant les cinq années suivantes, le manuscrit restera dans un tiroir. Les études en médecine sont trop prenantes. « Mais juste avant de commencer ma résidence, j’ai fait quelque chose qui est assez inhabituel quand on étudie en médecine, raconte la jeune femme. J’ai pris une pause d’un an et demi avant ma résidence. »

Il fallait absolument que je termine ce livre… J’ai pris le temps de le retravailler et je l’ai envoyé à des éditeurs de la bonne vieille façon : par la poste, dans une enveloppe.

Bindu Suresh

À partir de ce moment, le destin de son roman ne lui appartient plus. Bindu Suresh part vivre à Ottawa pour faire sa résidence en pédiatrie. C’est dans la capitale qu’elle fait la rencontre de son futur mari, un autre qui a la bougeotte. Diplomate, il s’apprête à partir pour la Chine où il résidera quatre ans. Durant cette période, le couple se voit environ quatre fois par année. « Je suis tombée enceinte et mon mari est revenu à Montréal pour l’accouchement, puis on est partis vivre six mois en Chine tous les trois », se souvient-elle.

Une histoire d’amour

Entre-temps, le manuscrit a intéressé un éditeur… Son roman, 26 Knots, a été publié aux éditions Invisible en 2019. La traduction française, réalisée par l’auteur Daniel Grenier, rend très bien la poésie du texte original de Bindu Suresh. Les histoires d’amour que raconte 26 nœuds se déroulent un peu partout au Canada, mais le roman porte assurément l’empreinte de Montréal. C’est un roman qui parle des premières grandes histoires d’amour qu’on vit dans la vingtaine, de l’amour qu’on espère, mais qui n’est pas toujours à la hauteur de nos attentes. Il parle aussi de deuil, de la quête d’identité et de l’amour inconditionnel qui nous fait faire des gestes plus grands que nous.

« L’idée de départ de mon livre, je l’ai eue à Londres, lors d’un voyage, raconte Bindu Suresh. J’étais dans un comedy club en plein après-midi et l’humoriste sur scène s’est mis à parler d’un de ses amis. »

Sa compagne l’avait trompé pendant qu’il était en Afghanistan, mais il l’aimait tellement qu’il a décidé d’élever l’enfant même si c’était celui d’un autre homme. Je suis partie de ça, de cette idée du véritable amour, pour écrire mon roman.

Bindu Suresh

« Ce qui m’intéresse, poursuit-elle, ce sont les relations interpersonnelles. » Sa brève expérience en journalisme à The Gazette lui a également servi puisque deux de ses protagonistes sont de jeunes journalistes à l’aube de leur carrière. « L’incendie au début du livre, je l’ai vécu, dit-elle. La famille des réfugiés colombiens aussi. »

Parmi ses influences, Bindu Suresh nomme Virginia Woolf, « capable, souligne-t-elle, de parler de la motivation de ses personnages en peu de mots ». Il y a aussi Borges, Faulkner et Morrison.

Aujourd’hui, Bindu Suresh (ou plutôt la docteure Bindu Suresh) vit sur le Plateau avec son mari et ses deux jeunes enfants et travaille dans une clinique pédiatrique de dépistage de la COVID-19 sur la Rive-Sud. Malgré un horaire très chargé, elle n’a pas oublié sa première passion : elle se réserve toujours du temps pour écrire et travaille à l’écriture de son deuxième roman.

IMAGE FOURNIE PAR L’ÉDITEUR

26 nœuds, de Bindu Suresh

26 nœuds
Bindu Suresh, traduit de l’anglais par Daniel Grenier
Marchand de feuilles
178 p.