Roman inclassable que cet étrange Lapin. Mi-satirique, mi-fantastique, frisant tantôt le conte de fées, tantôt carrément l’horreur, il a été comparé à la fois au film Carrie et à la comédie noire Heathers. Ça vous donne une idée du ton, d’un récit par ailleurs aussi invraisemblable qu’effrayant, mais aussi archi-humoristique par moments. Sans surprise, les droits pour une adaptation au petit écran ont déjà été signés.

Tentons tout de même un résumé : Samantha, l’héroïne, est ici inscrite dans un prestigieux programme de littérature à l’université. La première cohorte de fiction entièrement féminine, pour être exact. Y gravite une clique (secte ?) de jeunes femmes, des caricatures de superficialité, qui s’appellent entre elles les Lapins. Elles semblent surfer sur une exaspérante légèreté (Lapin par-ci, Lapin par-là), jusqu’à ce que Samantha assiste finalement à l’une de leurs soirées sélectes. C’est ici que le récit vire au sombre, à l’étrange, et finalement carrément au sinistre. Penser : explosions de lapins, au sens propre. Mais peut-être aussi au figuré…

Encensé par la critique (Margaret Atwood, Lena Dunham), le roman frappe dans le mille avec sa satire à peine voilée des programmes universitaires de littérature (l’autrice, Mona Awad, Montréalaise de naissance, Bostonienne d’adoption, a étudié en littérature à la chic université Brown), soifs d’appartenance, de sensualité et d’amitié incluses.

Mona Awad y souligne à gros traits, et à force de répliques jouissives, le côté à la fois élitiste et pompeux de ces départements (on en connaît tous) qui se veulent innovateurs, expérimentaux, mais aussi « intertextuels » et basés sur la « performance », bref « hybrides », et en somme, disons-le (en tout cas dans ce cas-ci), vides (et archi-vides). La traduction de l’anglais rend plutôt bien le ton d’une langue (trop) recherchée, aux références toujours plus nichées, d’un jargon littéraire si abstrait qu’il en devient ridicule. On rit franchement. Avant de frémir à nouveau… C’est un genre. Soyez avertis.

IMAGE FOURNIE PAR QUÉBEC AMÉRIQUE

Lapin, de Mona Awad

Lapin
Mona Awad
Traduction de Marie Frankland
Québec Amérique
440 pages
★★★½