David Foenkinos (Charlotte, La délicatesse) est une sorte de magicien qui crée des histoires invraisemblables afin d’émouvoir, de faire sourire et de faire réfléchir. Dans La famille Martin, il manipule les codes du roman, se positionnant en écrivain en manque d’inspiration. Il décide d’écrire le portrait de la première âme croisée dans la rue, une vieille dame au passé romantique.

Elle se nomme Madeleine Tricot et a travaillé pour Lagerfeld ! En dépit de sa vie ouvrière et familiale bien remplie, elle se languit de son plus grand amour qui l’a soudainement quittée il y a longtemps pour aller vivre aux États-Unis. Le narrateur propose à la dame de l’accompagner pour partir à sa recherche.

Il étendra son récit à la fille de Madeleine, Valérie, épouse de Patrick Martin – d’où le titre – et à leurs deux enfants. Tout ne tourne pas rond au sein de ce clan à l’apparence tranquille. Les époux sont en froid et leurs ados en crise.

Usant de chapitres très courts, David Foenkinos nous entraîne dans une quête de beaux récits. Il est ce renard futé qui traîne un peu la patte au début du roman, mais qui finit par prendre de la vitesse à l’aide d’un style élégant et empathique. On y reconnaît le regard singulier de l’auteur de La délicatesse.

Le narrateur éprouve de la bienveillance pour cette famille ordinaire au point de se mêler de plus en plus de ce qui ne le regarde pas. N’est-ce pas ce que font, en quelque sorte, tous les écrivains observateurs de leurs semblables ?

Foenkinos en profite pour réfléchir à voix haute sur l’écriture, l’amour, la vie de famille, le quotidien, les souvenirs. Il invente à son narrateur romancier une ancienne relation avec une artiste visuelle, histoire ressemblant à celle du couple Martin. Il fait apparaître des drames adolescents, mais aussi des lueurs d’espoir captivantes.

Tout aussi astucieusement, il éparpille des indices – « toute personne que l’on met dans un livre devient romanesque » – sur cette autofiction qui n’en est pas une. Tombant parfois dans le commentaire simpliste – « tout amour comporte en lui une potentielle souffrance », puis soudain lumineux – « rien ne vaut la vie des autres pour ne pas vivre la sienne ». Autre bémol, le résumé des évènements de la journée s’avère répétitif, mais le romancier-prestidigitateur nous rattrape toujours de belle façon.

David Foenkinos nous offre plus qu’une bonne histoire. S’interrogeant sur ce bizarre métier qui est le sien, il le remet en question face au fait de vivre sa vie. Comme nous, il constate que la fiction nous fait avancer vers ce qu’on peut souhaiter de mieux si on utilise les outils offerts par les autres, qu’ils soient des inconnus croisés dans la rue ou des membres de notre famille.

★★★½

La famille Martin, David Foenkinos, Gallimard, 226 pages