À Vladivostok, dans un chapiteau déserté lors de la saison morte, trois acrobates s’entraînent en vue d’un concours de cirque qui aura lieu dans quelques semaines à Oulan-Oude, en Sibérie, à plus de 3000 km de là.

Les trois spécialistes de la barre russe – les porteurs Anton et Nino, la voltigeuse Anna – ont comme seul accompagnateur leur metteur et scène et technicien Léon. Débarque Nathalie, engagée pour créer leurs costumes, et c’est à travers son regard qu’on observe le quatuor, que les secrets et histoires de chacun sont en partie dévoilés, que leur travail et leur technique sont décortiqués.

On aime la manière dont Elisa Shua Dusapin (Hiver à Sokcho, Les Billes du Pachinko) parle des corps et du mouvement, mais aussi de tissu et d’objets : avec précision et de manière succincte, pourtant on voit et on sent tout. Les liens entre chacun, la confiance (ou pas), l’inquiétude, la tension sont aussi décrits par petites touches, et se tissent davantage dans le non-dit, les gestes et les regards que dans la parole. Il y a quelque chose de profondément… russe justement, et dépaysant, dans ce livre lancinant, étrange huis clos qui gardera ses zones d’ombre jusqu’à la fin.

Reste de cette incursion fascinante dans le monde du cirque une impression furtive, pas désagréable, au contraire, brillante, mais qui s’éteint dès que le livre est refermé.

★★★
Vladivostok Circus, Elisa Shua Dusapin, Zoé, 173 pages.