Le cœur a ses raisons que la raison ne reconnaît pas toujours. Pas facilement, du moins, suggère le romancier ontarien Andrew Kaufman (Tous mes amis sont des superhéros) dans Le cœur à retardement, fable romantique imaginative et sensible qui a des airs de conte fantastique et de thriller existentiel.

Son roman débute sur une question – à quoi sert le cœur humain ? – qui, pour Charlie Waterfield, prend l’allure d’une énigme vitale. Divorcé depuis deux ans, plus ou moins engagé dans une relation avec une nouvelle femme, il digère mal l’échec de son mariage et nourrit sans trop s’en rendre compte l’espoir de renouer avec son ancienne épouse.

Un soir, en partageant un taxi Uber, il rencontre un étrange personnage qui lui soumet la fameuse question et lui parle d’une ville imaginaire, mais pourtant réelle, appelée Metaphoria. Puis, dans un « pouf ! » de fumée violette, voilà que Charlie s’y trouve projeté. Débarrassé de son propre cœur, qui a été remplacé par une bombe, il n’a que 24 heures pour retrouver celui d’un personnage appelé « Vieille Branche » et comprendre ce qui le traverse, lui.

Sinon, « boum ! », il explosera.

Metaphoria est la ville des éclopés de l’amour. Le lieu où marinent ceux qui nourrissent des espoirs irréalistes ou n’arrivent simplement pas à lire en eux-mêmes. Tous se posent la seule question qui compte : à quoi sert le cœur humain ? Trouver la réponse – mais y en a-t-il une seule ? – est l’unique manière de retourner à leur vraie vie, dans le vrai monde, avec une meilleure connaissance de ce que l’amour a d’insondable.

En mêlant les codes du thriller et du conte, Andrew Kaufman trouve une manière originale et divertissante de parler de l’amour qui dure ou pas, du couple et des relations humaines en général. Son propos est existentiel, mais sa manière est vive, teintée d’une lueur comique qui désamorce ce que le récit pourrait avoir de désespérant.

En faisant un pied de nez au réalisme, le romancier déploie une magie qui se décline en images fortes et en scènes d’une éloquente inventivité. Dire qu’il s’agit d’un roman romantique ne serait pas exagéré. Il l’est en effet d’une manière presque neuve – terre à terre, oserait-on dire –, à mille lieues des clichés. Ce qui est certain, et qui contribue à sa force, c’est qu’il est dénué d’un poison qu’on croise trop souvent en littérature : le cynisme.

★★★★
Le cœur à retardement, Andrew Kaufman, Alto, 200 pages, en librairie le 27 octobre.