Bien sûr, Salman Rushdie est l’un des plus grands écrivains contemporains de langue anglaise. Bien sûr, il est un formidable conteur.

Bien sûr, ce Quichotte, comme tous ses autres romans, séduit par sa fluidité et son humour. Bien sûr, on ne peut que s’amuser de cette histoire, très librement inspirée du classique de Cervantès. Bien sûr, on pourrait écrire un tas de choses extraordinaires sur ce long et foisonnant récit qui aborde les thèmes du racisme, de l’immigration, de la culture poubelle et des « fake news » dans l’Amérique de Donald Trump. Et pourtant. Le nouveau livre Salman Rushdie déçoit, ennuie, nous tombe des mains, comme on tombe de sommeil après avoir trop mangé.

Un vieux fou qui a perdu son emploi (Quichotte) traverse les États-Unis accompagné de son fils imaginaire (Sancho) pour déclarer sa flamme à une présentatrice de télé accro aux opiacés (Salma R.). Il s’avère que le récit est en fait un roman dans le roman, écrit par un auteur de polars largué, nommé DuChamp (mais son vrai nom est Brother) qui tente ici d’écrire son grand œuvre, en marge d’une vie familiale désastreuse, où il est question d’un fils manquant (Son) et d’une sœur répudiée (Sister).

On devrait sans doute s’esbaudir devant cette galerie de personnages colorés, cette profusion de références « pop » (n’en jetez plus, la cour est pleine) et cette facilité déconcertante qu’a l’écrivain à déployer ce récit à tiroirs qui nous ballotte sans cesse entre réalité et fiction, vérité et mensonge. Rushdie est un pro. Mais son style bavard, voire prolixe, finit par assommer. Tout comme son évidente satisfaction à se regarder écrire. Si bien qu’en fin de compte on se désintéresse complètement de ce Quichotte contemporain qui a du souffle, mais ne fait pas tourner le moulin…

★★½

Quichotte
Salman Rushdie
Actes Sud
425 pages