Vous connaissez sans doute le refrain : c’est l’histoire d’une femme de 55 ans qui se fait salement larguer par son mari pour une autre (plus jeune, bien sûr) et qui se reconstruit à son tour dans les bras d’un amant inattendu. Un jeune rockeur trentenaire, « mauvais garçon de bonne famille », à la belle gueule et au cœur tendre, mais à l’âme évanescente. Craquant et indépendant. Bref, sexy à souhait.

Cliché de cinéma ? Un peu. Beaucoup. C’est vrai. Et Josée Blanchette ne s’en cache pas. N’empêche que son histoire de (jeune) amant français, ou prince « pas si charmant », comme elle dit, publiée ces jours-ci chez Druide, ne s’arrête pas là. Et soyons francs, on s’y attendait : on connaît assez l’autrice et chroniqueuse pour savoir que sous son apparente légèreté se cachent toujours un fin sens de l’observation, une expérience terrain, ainsi qu’une réflexion « confrontante », assez inspirante, merci.

D’ailleurs, est-ce réellement ici une fiction ? Quelle est la part de vérité dans ces quelque 200 pages d’histoire d’amour et de renaissance, sur fond d’érotisme et de féminisme ? Si l’autrice n’en peut plus de se faire poser la question, il faut dire qu’elle brouille juste assez les cartes. L’héroïne a beau s’appeler Jeanne, elle a la verve, l’énergie et beaucoup du vécu de la chroniqueuse, qu’on suit depuis plus de 30 ans dans Le Devoir. Pensez swing, sages conseils de copines et trip d’ayahuasca.

« Il n’y a que les passages érotiques qui sont vrais », corrige d’emblée Josée Blanchette, un sourire en coin, avec l’habileté coquine qu’on lui connaît, avant d’enchaîner avec cette non moins habile réflexion, par l’inversion : « Mais on ne demande jamais quelle est la part de fiction dans la vérité, ou ce qu’on prétend être la vérité, réfléchit-elle. Parce que dans un couple, il peut y avoir une part de fiction, une part de mensonge. Tu te construis une histoire de couple. En tout cas, Jeanne, quelque chose lui a échappé… »

Choc post-traumatique

Pour résumer : Mon (jeune) amant français met donc en scène une femme quinquagénaire qui, après « 15 années d’amour popotes, prévisibles et sans éclat », se fait larguer sans crier gare par son mari, rupture qu’elle résume avec cette parlante (hurlante !) métaphore : « un anesthésiste, la branche la plus soporifique de la médecine, écrit-elle, ça vous assure d’une certaine virginité en matière d’éveil ». Et l’éveil, justement, est violent. À la limite du « choc post-traumatique ». Si vous êtes passé par là, vous vous reconnaîtrez : « j’étais une Belle au bois dormant complètement knock-out ».

Vous connaissez la plume ? Ajoutez-y des extraits romantiques de Gainsbourg, Brel ou Aznavour, et vous aurez une bonne idée du portrait.

Mais ce n’est pas tout : pour survivre à cette peine (non pas d’amour, mais bien de « trahison », notez la nuance), sa psy lui prescrit « bulles, sexe et sérotonine ». Jeanne, quant à elle, suit la prescription à la lettre, en mieux, disons, avec gin, MDMA et BDSM (soft). Sérotonine en prime. Et surtout en masse.

« Forcément, les réflexions viennent de moi, mais aussi du beau mélange de femmes qui m’entourent, confirme cette fois Josée Blanchette. Des femmes qui déconstruisent le mythe de la femme de 50 ans (ou 60, 70 ou plus !) qui est bonne à être mise au rancart. » Un mythe que le livre en entier déconstruit, en réalité. Et pas à moitié.

La renaissance

C’est que sa Jeanne fait ici le choix non pas de sombrer dans l’amertume, mais plutôt de rebondir. Comment ? En essayant toutes sortes de choses, Osheaga, MDMA, champagne rosé et exil gaspésien, et surtout en plongeant tête et cœur premiers dans une fulgurante passion avec un « millénial ». Une rencontre électrique qui vaut ici au lecteur un portrait à la fois tendre et bienveillant d’une génération souvent, sinon jugée, à tout le moins mal comprise. « Ils sont lucides, intelligents, informés, la technologie a tout changé, corrige Josée Blanchette. Ils ont tous les possibles. Mais aussi beaucoup plus d’angoisses… »

Et la quinqua dans tout ça ? Avant de la juger (« si c’est bon pour pôpa, c’est bon pour môman », lancera une amie de Jeanne, pour en finir une fois pour toutes avec le deux poids, deux mesures), lisez ce qui suit. En effet, surprise : elle incarne un baume, une bouée et offre surtout une bonne dose de douces et (pas) sages folies, parce qu’elle a vécu, justement, et elle en a vu d’autres. Surtout : elle transpire la liberté. « En plus, nous fournissons les gaufres maison le lendemain matin… »

La morale de cette histoire ? Josée Blanchette se défend bien d’en avoir une. Sa Jeanne n’est pas un « modèle pour femmes divorcées », dit-elle. N’empêche. Peut-être un peu quand même. Pas tant dans le chemin choisi (« elle aurait pu faire de l’humanitaire, mais ça aurait été moins sexy ! »), mais plutôt dans sa renaissance. Parce qu’elle rebondit, justement, et en grand par-dessus le marché. « S’il y a une morale, finit-elle par concéder, c’est la chanson de Gabin : Maintenant je sais… je sais qu’on ne sait jamais. » Bref : tout se peut. Qui dit mieux ?

IMAGE TIRÉE DE LA PAGE WEB DE L’ÉDITEUR

Mon (jeune) amant français, de Josée Blanchette

Josée Blanchette, Mon (jeune) amant français, Druide, 223 pages

Pour agrémenter la lecture, Josée Blanchette a concocté une liste d’écoute de son cru, aussi romantique qu’éclectique, avec toutes les musiques mentionnées dans le livre, de Louis Armstrong à Cigarettes After Sex, en passant par Fred Pellerin, Radiohead et Barbara. Avis aux intéressés.