Le roman Faule résonne particulièrement en cette ère de confinement forcé. À la différence que Faule, la protagoniste de ce récit écrit par la jeune autrice Sarah Brunet Dragon (À propos du ciel, recueil de poèmes, Cartographie des vivants, essai) choisit cet isolement tout à fait volontairement.

La jeune femme, qu’on devine souffrir d’un mal-être profond, décide de déménager, seule, dans une vieille maison bancale de North Hatley, pour une raison obscure qui n’est jamais vraiment détaillée. « Je ne veux pas qu’on m’habite. » Ce constat est le déclencheur de son retrait brutal du monde. S’isolant de tous et d’elle-même, on suit le cours lent et presque inchangé de son existence alors que se déroulent les jours, les mois, les saisons, les années. Détachée de tout, évitant tout contact social, Faule est comme gelée, figée, immobilisée dans cet état de suspension où la solitude est reine. Seules les cigarettes, qu’elle enfile les unes après les autres maladivement, semblent ponctuer le cours de ses jours.

La langue reflète cet état; descriptive et détachée, presque ascétique, elle s’attarde aux détails qui croisent le champ de vision de Faule; sa maison, son jardin, la nature, son voisin musicien, N., pour laquelle elle développe une étrange obsession. Parfois, le récit se teinte d’onirisme et verse dans le surréel, alors que la frontière avec le réel devient floue. Divisé en quatre « mouvements », le livre est constitué de courts paragraphes, comme de petits poèmes en prose, mais on a de la difficulté à entrer dans le récit et à s’attacher à ce personnage évanescent et fermé. Malgré une écriture aux accents poétiques bien maîtrisée, on comprend mal où l’autrice veut nous amener avec ce roman qui ne trouve pas de dénouement. Dommage.