L’auteur de polars Martin Michaud a imaginé ce qui se passerait si ses deux personnages fétiches, Victor Lessard et Jacinthe Taillon, se retrouvaient confinés dans le même appartement. Depuis le 13 mars, il publie chaque jour sur Facebook, sur sa page d’auteur, un nouveau chapitre de la « quatorzaine » de ses deux héros, espèce de parenthèse dans la fiction qui ressemble beaucoup à la nôtre dans la vraie vie.

« Ce n’était pas planifié, nous dit le populaire auteur au téléphone. J’ai commencé la première journée en me demandant ce que je pouvais faire face à la pandémie. Je ne suis pas politicien, je ne suis pas médecin, tout ce que je peux faire, c’est écrire en faisant du bien aux gens. C’est ma modeste contribution à ma modeste échelle. »

Il s’est fait prendre au jeu en intitulant sa première capsule Quatorzaine — Jour 1, dans laquelle les deux policiers doivent s’isoler après s’être fait cracher dessus par un tueur lors d’une arrestation – tueur ayant ensuite eu un test positif à la COVID-19.

« Comme j’avais écrit Jour 1, je n’avais pas le choix de faire un Jour 2 ! », dit Martin Michaud. Chaque texte raconte ainsi une nouvelle anecdote de confinement, et après 12 jours, il avoue avoir compris comment se sentent les caricaturistes, les « Chapleau de ce monde », qui doivent porter un regard différent sur l’actualité chaque jour.

« Ce n’est pas évident. En plus, j’ai choisi de confiner mes deux personnages, donc c’est entre eux que ça doit se passer. Mais j’essaie de garder ça rigolo, même niaiseux entre guillemets. Ce n’est pas là qu’on va se lancer dans une grande enquête ou un gros drame ! Mais j’ai la chance que ces personnages soient connus du public, je peux me permettre cette petite incartade sans trop les dénaturer. »

PHOTO FOURNIE PAR CLUB ILLICO

Au petit écran, Patrice Robitaille et Julie Le Breton campent les rôles de Victor Lessard et de Jacinthe Taillon. 

Leur complicité à toute épreuve et leur relation d’amitié bourrue ont donc permis à leur auteur une certaine légèreté. Mais s’il a puisé parfois directement dans l’actualité et les points de presse de 13 h, Martin Michaud, qui est évidemment en confinement, s’est beaucoup inspiré de ce qu’il ressentait pour le faire vivre à ses personnages.

« Surtout les premiers jours, il y a de mes réflexions, de mes sentiments personnels, de mes questions. Des fois aussi j’étais en train d’écrire, j’avais besoin d’une chute et l’actualité me rattrapait. » 

Je le dis avec un grand sourire, j’ai l’impression que c’est un peu n’importe quoi, mais en même temps, je sens qu’on a besoin que ce soit absurde, drôle et sans prétention. Je le fais sérieusement, mais sans me prendre au sérieux.

Martin Michaud

Très touché par tout ce qui se passe, Martin Michaud a décidé de ne pas continuer à écrire au-delà de la « quatorzaine », même si de nombreux lecteurs lui ont demandé plutôt une quarantaine et de se rendre avec eux jusqu’à la fin du confinement.

« Je sens que je suis rendu au bout de la formule et je ne veux pas étirer la sauce inutilement. J’ai voulu [pousser] à la roue, mais là, j’ai besoin de reprendre mon souffle. D’autres prendront la relève. Je sais qu’il y a des gens qui vont être déçus, mais je suis convaincu qu’ils vont comprendre. »

« Il n’y a rien de romantique là-dedans »

Il doit lui-même gagner sa vie, a la chance de travailler sur un projet qui n’a pas encore été annulé et doit y consacrer de l’énergie. « Je dois trouver un équilibre entre ça et la nécessité de nourrir ma famille. C’est un drôle de moment qu’on vit. Je nous souhaite qu’on apprenne un peu de ça, que collectivement ce soit pour le mieux », dit l’auteur, qui ne veut en aucun cas glorifier ce qu’il a fait, et qui a une pensée pour toutes les personnes qui sont durement touchées financièrement par les fermetures temporaires.

« Les travailleurs autonomes aussi, je me rends compte à quel point la précarité, dans le milieu des arts en particulier, est importante. »

La « romantisation » du confinement, donc, comme certains écrivains français l’ont fait depuis une semaine — le « Journal de confinement » de Leila Slimani publié dans Le Monde, en particulier, a été grandement critiqué —, ce n’est pas pour lui.

« Je ne suis pas du tout dans le “ah que c’est donc merveilleux, on apprend à se redécouvrir” ! Il n’y a rien de romantique là-dedans. » 

Ce que j’essaie de faire, c’est de trouver le côté niaiseux et drôle, et oui, des fois, je veux toucher le lecteur, mais certainement pas lui dorer la pilule en lui disant que c’est beau et fantastique.

Martin Michaud 

À la fin d’une conversation hautement émotive, Martin Michaud nous dit au revoir en étant convaincu qu’il y aura des temps meilleurs. « Je ne sais pas quand, par contre. Il y a ce slogan qui circule, “Ça va bien aller”. Moi c’est plus “On va passer à travers”. On a de la résilience, on est courageux, et on va passer à travers. »

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