C’est le mandat que s’est donné Gaspésie virtuelle, spécialisée dans l’archivage numérique et les visites virtuelles en 3D : préserver le patrimoine bâti et culturel de l’Ukraine, mis à risque par la guerre lancée il y a un an par les Russes.

L’entreprise de Maria, en Gaspésie, a mis sa plateforme en ligne il y a deux semaines. On y trouve déjà six lieux emblématiques de l’Ukraine, essentiellement des musées, des églises et des châteaux, dont le Musée national des sciences et de l’histoire naturelle, le musée Klitschko, le musée Leopold Levitskyi et le château de Zbarazh.

Chaque semaine, un nouveau lieu sera ajouté. Pourvu que la guerre le permette. Par exemple, l’équipe de tournage devait se rendre à Kherson la semaine prochaine (dans le Sud), mais le projet a été reporté à cause des combats actuels.

« Notre but est de préserver virtuellement les lieux culturels et monuments historiques d’Ukraine, parce qu’on ne sait pas s’ils seront détruits », nous dit le président de Gaspésie virtuelle, Yann Ménard.

On parle sans cesse de la guerre, mais on veut aussi que les gens découvrent la culture ukrainienne, et voient la beauté des lieux qui s’y trouvent.

Yann Ménard, président de Gaspésie virtuelle

Une vingtaine de bâtiments ont été choisis et sont en attente de numérisation.

Gaspésie virtuelle, qui travaille avec plusieurs musées québécois — c’est elle qui a créé les visites virtuelles en 3D du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) pendant la pandémie —, s’est associée à la société ukrainienne Right Way, qui fait le choix des lieux à numériser, prend les photos et fournit les données à l’entreprise québécoise, qui fait le montage.

La narration est faite uniquement en anglais — pour le moment —, mais une version française est en préparation.

« On travaillait avec Right Way avant la guerre, précise Yann Ménard. Ils avaient fait l’achat d’une licence de notre logiciel de numérisation pour offrir des services en 3D et de réalité virtuelle aux agences immobilières du pays. Mais avec la guerre, ils ont cessé leurs activités. »

Ils avaient commencé à travailler sur le projet de numérisation du Musée national des sciences et de l’histoire naturelle, on leur a proposé notre aide et on s’est dit : pourquoi ne pas faire la même chose pour d’autres bâtiments ?

Yann Ménard, président de Gaspésie virtuelle

Et le projet a démarré. Mais personne n’est payé au Québec pour travailler sur ce projet financé par des dons privés et bientôt des commandites.

« La moitié des dons qu’on reçoit s’en va à Right Way pour qu’ils puissent faire le travail de repérage, de photographie et de numérisation, nous dit encore Yann Ménard. L’autre moitié est remise à un organisme d’aide religieux, St. Martin Center, qui vient en aide aux personnes les plus démunies, en particulier les enfants. » Avec la guerre, bien sûr, ce ne sont pas les besoins qui manquent…

CAPTURE D’ÉCRAN DE LA PLATEFORME DISCOVER UKRAINE

L’intérieur du Musée national des sciences et de l’histoire naturelle

L’objectif de Gaspésie Virtuelle et de Right Way est d’amasser une somme d’au moins 10 000 $. En quelques semaines, ils auraient déjà reçu la moitié de cette somme, ce qui augure bien pour la suite.

Petite équipe

On pourrait croire que plusieurs dizaines de personnes travaillent sur ce mandat de préservation culturelle, mais non.

À peine quatre personnes chez Gaspésie virtuelle et trois chez Right Way. « Ce sont de petites équipes, mais notre logiciel est assez performant, une fois qu’on a les contenus numérisés, ça se fait assez bien, précise Yann Ménard. On a ajouté une carte pour géolocaliser les lieux et on a téléchargé tout le 3D sur le web, c’est ce qui a été le plus long. »

Depuis 2020, Gaspésie virtuelle a vendu plus de 2000 licences de son logiciel de numérisation.

Un peu moins du tiers de ses clients sont des musées — le MBAM, mais aussi le Musée de la civilisation de Québec. À l’étranger, l’entreprise québécoise travaille entre autres avec le ministère de l’Antiquité en Égypte. Gaspésie virtuelle est également très présente dans le secteur maritime — la Garde côtière canadienne, les navires de croisière, etc. — ainsi qu’avec les maisons d’encans comme Christie’s.

« On aimerait poursuivre ce travail en Ukraine après la guerre, et reproduire cette expérience dans d’autres pays, nous dit Yann Ménard. La demande pour des “jumeaux numériques” est forte, alors il y a beaucoup de possibilités. »

Faites l’expérience de la plateforme de réalité virtuelle (en anglais)