On les entend un peu partout, ces mythes sur la technologie. Ils contiennent parfois un fond de vérité, comme la qualité photographique surprenante des téléphones ou l’inutilité de payer cher pour des câbles, mais doivent être nuancés. D’autres faussetés, comme l’invulnérabilité des Mac ou la discrétion du mode Navigation privée, ont la vie dure. La Presse a demandé à quatre experts de donner l’heure juste sur sept croyances en techno.

Pas besoin de payer cher pour un câble numérique

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Les normes pour les câbles numériques se sont tellement diversifiées qu’on ne peut plus simplement comparer deux câbles HDMI ou USB selon leur prix.

Ce qui était admis il y a une décennie, soit qu’il ne sert à rien de payer plus cher pour des câbles numériques, commande des nuances en 2022. C’est que les normes se sont tellement diversifiées qu’on ne peut plus simplement comparer deux câbles HDMI ou USB selon leur prix. Si vous voulez une résolution 4K à 120 images par seconde avec Dolby Vision et HDR10, n’optez pas pour le câble le moins cher, un HDMI 1.4 qui sera insatisfaisant ou carrément non fonctionnel. Il vous faudra un câble plus coûteux, HDMI 2.0, voire 2.1 pour la totale.

Même chose pour les câbles dits « USB-C », un terme qui désigne la forme ovale et non un standard. Vous ne pourrez pas brancher votre ordinateur à un moniteur avec le câble USB-C de base qui recharge votre téléphone, il vous faudra un câble de la même forme, mais USB 3.1, bien plus coûteux. « On a simplifié le nombre de connexions, mais on a complexifié ce à quoi les câbles servent », résume Marc-Étienne Léveillé, chercheur en logiciels malveillants au bureau montréalais d’ESET. Il reste toutefois un fond de vérité : pour des câbles réellement identiques, non seulement par leur forme, mais par leurs spécifications techniques, il ne sert à rien de payer plus cher, même si la durabilité pourrait être meilleure. Soit le signal numérique passe, soit il ne passe pas.

Si j’ai un Mac, je suis à l’abri des virus

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Les Mac sont moins touchés que les ordinateurs sous Windows parce qu’ils ne représentent que 13,5 % du marché mondial, explique Marc-André Léger, chercheur en cybersécurité.

Faux, répondent deux experts. Marc-Étienne Léveillé, chez ESET, est justement spécialisé dans la surveillance des appareils « non Windows ». « La télémétrie nous montre qu’il y a beaucoup de virus pour Mac qui se propagent, souvent quand on installe des logiciels piratés qui vont installer d’autres logiciels en parallèle. »

Les Mac sont moins touchés que les ordinateurs sous Windows parce qu’ils ne représentent que 13,5 % du marché mondial, explique Marc-André Léger, chercheur en cybersécurité et chargé de cours à Polytechnique Montréal et à l’Université Concordia. « Si tu crées des virus pour gagner ta vie, tu as intérêt à cibler les machines Windows. Mais il y a des virus pour les Mac. »

On ne peut vous repérer si vous désactivez le GPS de votre téléphone ou si vous le mettez en mode Avion

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Même sans GPS, un téléphone révèle sa localisation en se connectant aux tours cellulaires à proximité.

Les téléphones font tout pour communiquer et, partant, révéleront la localisation de leur propriétaire. « On croit qu’en désactivant le GPS, en mettant le mode Avion, on ne nous suit pas, mais c’est un mythe, tranche Asma Ghali, entrepreneure et directrice TI chez Canada Vie. Ce sont des systèmes passifs dans nos téléphones qui gardent la trace d’où nous sommes. » Dès qu’une connexion au WiFi ou même au Bluetooth est autorisée, les informations de localisation peuvent être envoyées, note Jacques Bourdeau, ingénieur en sécurité de l’information. Par ailleurs, même sans GPS, un téléphone révèle sa localisation en se connectant aux tours cellulaires à proximité. « Le hacker moyen n’aura pas accès à ces données, mais le fournisseur, les policiers, la NSA [National Security Agency des États-Unis] ou le SCRS [Service canadien du renseignement de sécurité], oui », rappelle Marc-André Léger.

Les téléphones cellulaires font d’aussi bonnes photos que les appareils professionnels reflex

PHOTO FOURNIE PAR APPLE

La capacité des téléphones cellulaires à prendre des photos de qualité, comme celle-ci prise avec un iPhone 14 Pro Max, a fait des pas de géant et peut donner des résultats tout à fait comparables à ceux des appareils de type reflex.

Ce n’est pas encore cette année que vous verrez, sauf exception, un professionnel équipé d’un iPhone ou d’un Galaxy pour un mariage ou une séance de photo en studio. D’abord parce que ces téléphones comptent énormément sur des solutions logicielles pour améliorer les photos, là où les professionnels vont utiliser des lentilles, disposer d’un capteur plus grand et plus sensible et des possibilités de configurations manuelles plus précises. « Le zoom numérique ne fait qu’endommager l’image », rappelle Jacques Bourdeau. « Ce qui manque à un téléphone, c’est du volume. Et une bonne lentille, ça peut coûter plus cher qu’une caméra », dit Marc-André Léger. Cela dit, pour l’utilisateur moyen qui se contente de réglages automatiques, le téléphone est l’outil idéal, celui qu’on a toujours sous la main et qui fait tout pour que vos photos ne soient pas ratées, à défaut d’être parfaites.

En mode Navigation privée, je ne laisse aucune trace

CAPTURE D’ÉCRAN DU MODE NAVIGATION PRIVÉE

Le mode Navigation privée fera en sorte que votre historique, vos témoins et les informations saisies dans un formulaire ne seront pas enregistrés dans Chrome, mais les sites web visités, votre employeur, votre fournisseur d’accès à internet et l’administrateur de réseau verront tout.

Il suffit en fait de lire ce qui s’affiche à l’ouverture d’une fenêtre de navigation privée, par exemple avec Chrome, pour démolir ce mythe. Le mode Navigation privée fera en sorte que votre historique, vos témoins et les informations saisies dans un formulaire ne seront pas enregistrés dans Chrome, mais les sites web visités, votre employeur, votre fournisseur d’accès à internet et l’administrateur de réseau verront tout.

« Tu n’es jamais réellement anonyme, tu passes par ton fournisseur internet, par des réseaux canadiens, par ton routeur, tu vas laisser des traces partout, sur les serveurs », précise Marc-André Léger. Ce qui se rapproche le plus de l’anonymat sur le web, c’est l’utilisation d’un réseau virtuel privé (RPV, ou VPN en anglais) qui crypte les communications et permet de se cacher derrière un serveur distant.

Charger fréquemment mon téléphone dégradera sa pile

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Plus que la fréquence ou la durée des recharges, « ce qui tue les piles, c’est la chaleur », estime un expert.

Plus que la fréquence ou la durée des recharges, « ce qui tue les piles, c’est la chaleur », dit Jacques Bourdeau. Cette hausse de température peut survenir quand la pile tombe sous les 20 % et qu’elle peinera à assumer la demande d’énergie. Elle est également notable quand le téléphone est à plus de 80 %, et dangereuse quand la charge continue après 100 %. C’est là que le choix d’un bon chargeur qui saura s’arrêter à temps est important et, encore plus, d’un téléphone configuré pour gérer intelligemment sa recharge.

C’est ce que font notamment les iPhone d’Apple et certains téléphones Android, notamment les Pixel et les Galaxy. Le téléphone « apprend » vos habitudes et restera le plus possible, par exemple, à 80 % la nuit avant d’entreprendre une charge complète avant votre réveil.

Plus de RAM et de GHz dans un ordinateur sont synonymes de vitesse

PHOTO FLORENCE LO, ARCHIVES REUTERS

Le nombre de gigaoctets de mémoire vive et la cadence du processeur ne disent pas tout : il faut également tenir compte de l’efficacité du processeur et des besoins en logiciels gourmands.

Il n’est pas tout à fait faux de dire qu’augmenter la mémoire vive peut rendre votre ordinateur plus rapide, mais seulement dans le cas où vous ouvrez des logiciels très gourmands ou êtes habitué à travailler avec plusieurs logiciels en même temps. « Pour un travail de bureau, ça ne sert à rien d’avoir un paquet de gigaoctets de RAM », prévient Marc-Andé Léger. Si la mémoire vive disponible n’est pas utilisée à 100 %, ajouter une barrette de RAM n’augmentera pas la vitesse de l’ordinateur.

La cadence du processeur, parfois appelée « vitesse ou fréquence d’horloge », exprimée en gigahertz (GHz), n’est pas non plus un gage absolu de rapidité. Tout dépend en fait de l’efficacité du processeur, les moins performants ayant tendance à multiplier les opérations. Un processeur récent qui accomplit 3,1 milliards de cycles par seconde, ou 3,1 GHz, peut s’avérer plus puissant et efficace qu’un plus vieux processeur poussé à 3,7 GHz.