Microsoft a secoué l’industrie du jeu vidéo cette semaine en annonçant l’acquisition de la firme Activision Blizzard pour 68,7 milliards US, une transaction qui en ferait instantanément une entreprise de jeux vidéo plus grande que Nintendo.

Microsoft, qui fabrique la console de jeux Xbox, a expliqué que l’entente sera profitable pour les joueurs et fera progresser ses ambitions pour le métavers — la création éventuelle de mondes virtuels immersifs où jouer et travailler.

Mais qu’est-ce que ça veut vraiment dire pour les millions de personnes qui jouent à des jeux vidéo, que ce soit sur des consoles ou leurs téléphones ? Et la transaction pourra-t-elle se concrétiser au moment où les gouvernements jettent un œil de plus en plus sévère sur les regroupements entre géants ?

DONC, EST-CE QUE C’EST UNE BONNE NOUVELLE POUR LES JOUEURS ?

Des experts croient que oui, surtout si la mission « jeux-pour-tous » de Microsoft et ses montagnes d’argent peuvent sauver Activision, qui a la réputation d’abandonner ses franchises les plus populaires au profit de quelques titres spécifiques.

« Microsoft veut augmenter la diversité de la propriété intellectuelle, a dit l’analyste Will McKeon-White, de la firme Forrester. Ils ciblent tous ceux qui veulent jouer à des jeux vidéo et ils veulent élargir l’auditoire. »

Un exemple flagrant de franchise larguée en cours de route par Activision, a-t-il dit, est « Starcraft », qui n’a pas été mis à jour depuis 2015. Il mentionne aussi « Guitar Hero », les titres de planche à roulettes de Tony Hawk et « MechWarrior » qui, selon M. McKeon-White, « est essentiellement abandonné depuis vingt ans ».

En revanche, la possibilité de voir Microsoft contrôler autant de contenu — de « Call of Duty » à « Candy Crush » — en pousse certains à se demander si la compagnie pourrait bloquer les titres d’Activision sur les consoles rivales.

Microsoft souhaitera offrir autant de jeux d’Activision que possible sur son service par abonnement « Game Pass », dont « certains qui deviendraient probablement exclusifs à Microsoft », a dit un analyste de la firme Wedbush, Michael Pachter.

Il a toutefois souligné que les autorités réglementaires antitrust pourraient interdire à Microsoft d’empêcher ses jeux de fonctionner sur la console PlayStation de Sony.

M. Pachter croit qu’Activision servira d’exemple à Microsoft pour la transition de la console au téléphone. Activision a ainsi réussi à transformer « Call of Duty » en jeux mobiles gratuits, et il s’attend à ce que la compagnie aide Microsoft à faire de même avec des titres comme « Halo ».

LE REGROUPEMENT SE CONCRÉTISERA-T-IL ?

C’est la grande question. Responsables et adversaires pourraient tout mettre en œuvre pour s’y opposer.

D’autres géants technologiques comme Google, Amazon, Apple et Meta — anciennement Facebook — sont de plus en plus sous le microscope des autorités réglementaires antitrust américaines et européennes. Mais l’acquisition d’Activision est si énorme — potentiellement l’acquisition technologique la plus dispendieuse de l’histoire — que Microsoft se retrouvera aussi sous la loupe des responsables.

L’acquisition par Microsoft de la firme de reconnaissance vocale Nuance, au coût de 16 milliards US, est déjà retardée par un examen des autorités britanniques.

Si l’entente échoue, Microsoft devra dédommager Activision à hauteur de 3 milliards US. Cela devrait inciter Microsoft à mettre de l’eau dans son vin pour que le tout se concrétise, croit le vice-président de la firme CFRA Research, John Freeman.

QU’EST-CE QUI SE PASSE CHEZ ACTIVISION ?

Activision a dévoilé l’an dernier qu’elle fait l’objet d’une enquête de la Securities and Exchange Commission des États-Unis concernant des plaintes de discrimination et qu’un règlement est intervenu en septembre.

En juillet, l’agence californienne des droits civils a poursuivi la compagnie de Santa Monica en évoquant une culture de « fraternité » qui était devenue un « terreau fertile pour la harcèlement et la discrimination des femmes ».

Le PDG de Microsoft, Satya Nadellaa, a mentionné aux investisseurs mardi que « la culture de notre organisation est ma priorité » et qu’il est « crucial pour Activision Blizzard d’aller de l’avant » avec son engagement d’améliorer son environnement de travail.