(Paris) Est-ce une première victoire pour les grands éditeurs en croisade contre la « taxe Apple » sur les applications, ou une habile réponse sans trop de conséquences pour la marque à la pomme ? Celle-ci va réduire de moitié sa commission très critiquée, mais seulement pour les petits développeurs.

La société de Cupertino en Californie assure vouloir aider les petites entreprises à développer leur présence en ligne face au « défi économique mondial » causé par la pandémie. Mais cette décision arrive aussi après que de grands noms tels qu’Epic Games, l’éditeur du jeu-phénomène Fortnite, se sont élevés contre des conditions financières qu’ils jugent déloyales.

À partir du 1er janvier 2021, la commission d’Apple pourra être réduite à 15 % (contre 30 % précédemment) sur les ventes d’applications dans l’App Store comme sur les achats de biens et services numériques au sein de ces applications. Cela sera toutefois limité aux développeurs qui n’ont pas dépassé un million de dollars de revenus (après commission) lors de l’année précédente, a détaillé Apple dans un article de blogue. Ce taux réduit s’appliquera également aux nouveaux venus.

Selon le groupe, une « vaste majorité » de développeurs est concernée parmi les 28 millions enregistrés sur sa plateforme, incontournable pour tout utilisateur d’un appareil de la marque et qui permet la distribution de 1,8 million d’applications.

« Notre nouveau programme aidera les développeurs à financer leurs petites entreprises, les incitera à prendre des risques avec des idées nouvelles, à élargir leurs équipes et à continuer de créer des applications qui enrichissent la vie des gens », a commenté le PDG d’Apple Tim Cook, cité dans le blogue.

Le succès d’Apple dépend en partie des développeurs tiers qui produisent des applications pour ses plateformes, avait reconnu le groupe dans un communiqué financier en septembre. Ceux-ci doivent y être encouragés, et dans le même temps une réduction de la commission affecterait la performance financière du groupe, écrivait-il.

« Geste symbolique »

Si beaucoup de développeurs sont concernés par l’annonce du groupe, l’impact sur les revenus d’Apple pourrait être très peu conséquent, car selon des experts, les plus importantes applications génèrent l’essentiel des recettes.

D’après le cabinet spécialisé SensorTower, interrogé par l’AFP, les dépenses des utilisateurs de l’App Store ont atteint 59,3 milliards de dollars du 1er janvier au 31 octobre 2020. La part qui revient à Apple - composée des commissions de 30 % sur les achats, de 15 % sur les abonnements, et d’accords spécifiques avec certains éditeurs - n’est pas connue précisément.

En revanche, seuls 4,9 % de ces revenus proviennent de développeurs générant moins d’un million de dollars de recettes, estime SensorTower.

De plus, la commission remontera à 30 % dès qu’un développeur franchira le seuil d’un million de dollars (ou son équivalent dans une autre monnaie).  

Apple a expliqué à de nombreuses reprises que cette commission, d’un niveau standard dans le secteur, sert à assurer le bon fonctionnement de l’App Store et la sécurité des utilisateurs.

L’entreprise affirme que 100 000 applications sont vérifiées chaque semaine et qu’il garantit ainsi que « chaque application soit fiable, fonctionne comme prévu, et soit exempte de contenu répréhensible ».

Mais cette justification n’est pas suffisante pour une douzaine d’entreprises, dont les applications musicales Deezer et Spotify, ou encore Match Group, l’éditeur de la très populaire application de rencontres Tinder, tous inéligibles au tarif réduit de la commission, et qui se sont joints à la grogne menée par Epic Games en fondant la Coalition for App Fairness (coalition pour l’équité entre applis).

« Les développeurs veulent des conditions de concurrence équitables de la part d’Apple, et non un geste symbolique. L’annonce d’aujourd’hui est un geste calculé et ignore les défauts fondamentaux de l’App Store », a réagi l’organisation sur Twitter.

Installée à Washington et à Bruxelles, l’association veut faire évoluer la règlementation sur les magasins d’applications. Elle reproche aux opérateurs de plateformes mobiles - principalement  Apple (iOS) et Google (Android) -d’être à la fois juges et parties et d’écraser la concurrence en favorisant leurs propres produits.

Epic Games, qui a tenté en août de contourner le système de paiement d’Apple et donc les commissions imposées, a d’ailleurs vu son jeu ultra-populaire Fortnite être immédiatement banni de l’App Store. Les deux groupes californiens s’acheminent vers un procès qui pourrait avoir lieu en juillet 2021.