Deux ans après le départ, dans des circonstances troubles, de sa fondatrice Jade Raymond, le studio montréalais Motive a célébré au début du mois d’octobre sa première grande production, Star Wars : Squadrons, un jeu de combat spatial. L’occasion pour celui qui a pris les rênes du studio appartenant à Electronic Arts, Patrick Klaus, de revenir sur les derniers mois, du départ de son ex-patronne aux controverses qui secouent l’industrie en passant par sa vision axée sur la créativité et l’autonomie. Entrevue avec le directeur général du studio montréalais Motive.

La dernière grande nouvelle que nous avons eue du studio Motive a été le départ de Jade Raymond en octobre 2018. Elle était très connue à Montréal. Qu’est-ce que ça a changé pour le studio ?

Je ne vais pas commenter spécifiquement le cas de Jade. J’ai un immense respect pour elle. En ce qui me concerne, j’ai intégré Motive il y a un an et demi [après sept ans passés chez Ubisoft Québec, où il a notamment dirigé le magnifique Assassin’s Creed Odyssey]. Il s’agissait de prendre ce groupe de gens talentueux, de constater où on en était, de voir les jeux en développement, d’aider cette équipe à réussir. Mon obsession est l’implantation d’une tradition de succès, d’apporter la stabilité et la stratégie qui va nous aider à croître à long terme.

Parlons de votre bébé, Star Wars : Squadrons. Il a reçu de très bonnes critiques, considéré par certains comme le meilleur jeu de combats aériens de cette franchise. Vous devez être satisfait de cet accueil.

IMAGE TIRÉE DU JEU STAR WARS : SQUADRONS

Image du jeu Star Wars : Squadrons

Très heureux, et très fier de l’équipe. On parle d’une note globale de 8 sur 10 sur les sites de référence, pour notre premier AAA entièrement dirigé par Motive, par une équipe qui a travaillé de la maison depuis mars. C’est quand même extraordinaire.

Quelle est votre vision du studio Motive ? Évidemment, tous ont l’ambition de faire le meilleur jeu possible, mais comment définiriez-vous l’esprit plus particulier de ce studio ?

Nous avons plusieurs projets non dévoilés en ce moment. C’est un mix d’innovations et de franchises appréciées par les fans. L’angle avec lequel nous voulons les aborder, c’est que quand on peut ajouter des ingrédients à la mécanique de jeu, qui permettent à nos joueurs de créer et d’expérimenter, nous le faisons. Qu’ils créent leur propre et unique histoire, ils sont dans le siège du pilote.

À propos du harcèlement

Parlons d’un autre sujet qui est dans l’actualité depuis quelques mois, les controverses entourant les accusations de harcèlement et de sexisme qui ont ébranlé certains studios, particulièrement Ubisoft. Quelle est la situation à Motive ? Qu’est-ce qui a été fait ? Et en faites-vous assez, à votre avis ?

Je ne commenterai pas spécifiquement à propos d’Ubisoft. Mais je peux vous assurer que c’est tout en haut de notre agenda, de créer un environnement sûr et sécuritaire pour nos employés. Comment on le fait ? En prêchant par l’exemple, pour utiliser une expression québécoise, en faisant en sorte que les bottines suivent les babines. Tous les responsables du studio sont cohérents en ce qui concerne les valeurs d’inclusion et de diversité. Quand nous embauchons, c’est en ayant à l’esprit ces principes, pour qu’ils représentent mieux nos joueurs. La voix de nos employés est très importante, femmes, développeurs noirs, vétérans, nous les écoutons, nous voulons nous assurer que ce sera tolérance zéro pour tout comportement toxique. Je crois profondément dans la puissance de l’équipe, plutôt que dans le génie individuel.

Sur le télétravail

Vous avez probablement terminé Squadron en télétravail, chacun chez soi. Était-ce efficace ?

L’équipe a travaillé de la maison, et le fait toujours. La priorité était la sécurité de nos gens et de leurs proches. Nous nous sommes adaptés. Le cloud, les téléconférences… Ç’a été un défi, mais nous nous sommes améliorés. On a bien fait dans les circonstances.

EA a toujours été plutôt discrète sur sa philosophie, l’« esprit » qu’on veut implanter dans les studios. À quoi peut s’attendre quelqu’un qui va travailler chez vous ? Qu’est-ce qui vous distingue ?

D’abord, faire du studio un endroit où nos gens sont à l’aise, à l’aise de prendre des risques, de créer, d’innover, d’arriver avec des idées folles, des concepts, des prototypes, qu’on va valider avec des joueurs pour voir s’il y a une résonance. Il y a ensuite des facteurs que je considère comme motivants, comme un haut niveau d’autonomie et de responsabilisation. Enfin, je crois fortement que le voyage est aussi important que la destination. C’est un défi en temps de COVID, mais on peut avoir du plaisir quand il y a de la camaraderie et de la confiance entre nous.

Pour des raisons d’espace et de lisibilité, cette entrevue a été éditée.