(Bruxelles) Apple dit « non », l’UE insiste : les eurodéputés ont plaidé jeudi en faveur d’un chargeur universel pour téléphones mobiles en Europe au nom des droits des consommateurs et de l’environnement, réclamant une législation européenne d’ici l’été.

« L’offre pléthorique de chargeurs entraîne […] des coûts excessifs et des désagréments pour les consommateurs et génère une empreinte écologique inutile », écrivent les élus européens dans une résolution non contraignante, adoptée à Bruxelles à une large majorité.

Il est donc « nécessaire d’adopter d’urgence une norme de chargeur universel », ajoutent-ils, réclamant des mesures « d’ici juillet ».

La vieille idée visant à harmoniser la connectique pour charger téléphones, tablettes et autres petits appareils, lancée dès 2009 par la Commission européenne, s’est jusqu’à présent heurtée aux réticences de l’industrie, bien que le nombre de chargeurs existants ait été considérablement réduit en 10 ans.

De 30 en 2009, ils sont passés à trois : le connecteur Micro USB, qui a longtemps équipé la majorité des téléphones, l’USB-C, une connexion plus récente, et le Lightning, utilisé par Apple.

La réglementation « étoufferait l’innovation », dit Apple

Avant même le vote de cette résolution, le groupe de Cupertino s’est fermement opposé à toute réglementation européenne, qui « étoufferait l’innovation au lieu de l’encourager et nuirait aux consommateurs en Europe et à l’économie dans son ensemble ».

Le géant californien, qui vient d’annoncer un bénéfice record au premier trimestre 2020, a remplacé en 2012 l’antique connecteur à 30 broches de ses appareils par le format Lightning, qui équipe « plus d’un milliard d’appareils ».

Il estime qu’un chargeur universel à la place de sa norme maison « aurait un impact négatif direct en perturbant les centaines de millions d’appareils et d’accessoires actifs utilisés par (ses) clients ».

Cela créerait en outre « un volume sans précédent de déchets électroniques et gênerait fortement les utilisateurs », poursuit le groupe dans cette déclaration publiée la semaine passée.

Pas de problème, dit Huawei. Samsung : No comment

Plusieurs sources au Parlement affirment qu’Apple a exercé un lobbying intense avant le vote de la résolution, adoptée par 582 voix pour, 40 contre et 37 abstentions.

Le numéro un mondial de la vente de smartphones en 2018, le Sud-Coréen Samsung, n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.

« Comme toujours, nous serons heureux de travailler avec l’UE et les États membres en fonction de leurs souhaits », a pour sa part déclaré à l’AFP un porte-parole du numéro deux du secteur en 2018, le Chinois Huawei, au coude-à-coude avec Apple en matière de ventes, selon le cabinet IDC.

Le CCIA Europe, représentant du lobby de l’industrie numérique à Bruxelles, n’a pas souhaité faire de commentaires sur la résolution des élus européens, qui réclament aussi que soit interdite la vente obligatoire de chargeurs avec chaque appareil.

51 000 tonnes de déchets

De son côté, Bruxelles se dit prêt à reprendre le dossier en main. Selon une de ses porte-parole, la Commission doit publier « dans les prochains jours » une « étude pour évaluer la situation » du marché. Elle présentera, sur cette base, une étude d’impact, puis ses mesures.

Le commissaire européen Maros Sefcovic a récemment souligné qu’une législation européenne s’inscrirait dans le cadre « du “Pacte vert” européen », la feuille de route vers la neutralité climatique dans l’UE, une des priorités de la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

Selon les eurodéputés, « la production totale de déchets électroniques en Europe en 2016 s’élevait à 12,3 millions de tonnes, soit 16,6 kg en moyenne par habitant ».

« Le défi climatique exige qu’on mette fin aux 51 000 tonnes de déchets électroniques par an liées à la diversité des chargeurs. Face à l’inertie des entreprises et en cohérence avec le “Green Deal”, les politiques doivent imposer leur volontarisme », a insisté l’eurodéputé français Geoffroy Didier (PPE, droite) après le vote.

Côté Renew (libéraux), Pierre Karleskind a souligné la nécessité pour la réglementation à venir de « ne pas brider l’innovation et empêcher l’émergence de nouveaux chargeurs plus performants à l’avenir ».