(New York) Un nouveau front judiciaire s’est ouvert vendredi pour Facebook : une coalition d’États américains, dont New York, a lancé une vaste enquête sur la gestion des données personnelles de ses utilisateurs et ses pratiques commerciales, notamment en matière de publicité.

« Cette enquête se concentre sur la domination de Facebook dans l’industrie (des réseaux sociaux) et la conduite potentiellement anticoncurrentielle qui en résulte », a expliqué Letitia James, procureure générale de l’État de New York.

« Nous aurons recours à tout outil à notre disposition pour déterminer si les agissements de Facebook ont pu mettre en danger les données personnelles des consommateurs, réduisent la qualité des choix qui leur sont proposés ou ont augmenté le prix des publicités », a ajouté cette démocrate.

Facebook a été condamné fin juillet à une amende record de 5 milliards de dollars par la FTC, l’autorité américaine de régulation des communications, pour ne pas avoir su protéger les données personnelles de ses utilisateurs.

Les acquisitions des messageries Instagram et WhatsApp font également l’objet d’une investigation de la part des autorités fédérales, qui se demandent si elles ont été faites par le groupe de Mark Zuckerberg pour étouffer la concurrence.

« Est-ce trop de pouvoirs pour une seule entreprise ? Ces acquisitions doivent-elles être défaites ? Voilà les principales questions sur lesquelles les États vont se pencher », estime Michael Carrier, enseignant à l’université Rutgers.

Facebook, premier réseau social mondial, a toujours rejeté les accusations de monopole, arguant que les consommateurs ont beaucoup de choix sur la façon d’interagir en ligne.

Outre New York, le Colorado, l’Iowa, le Nebraska, la Caroline du Nord, l’Ohio et le Tennessee sont les autres États concernés, plus la capitale fédérale, Washington.

Google, le prochain ?

Cette enquête s’annonce comme la première d’une série d’investigations antitrust des États contre les géants de la Silicon Valley.

« Des procureurs généraux représentant une vaste coalition d’États vont annoncer lundi (prochain) une enquête pour déterminer si de grands groupes technologiques ont eu recours à des pratiques anticoncurrentielles pour étouffer la concurrence, restreindre l’accès (à leurs plateformes) et affecté les consommateurs », a fait savoir vendredi, dans un communiqué, Ken Paxton, le procureur général du Texas, un républicain.

Google a confirmé vendredi faire partie des groupes visés. Il a aussi indiqué dans un communiqué en ligne que le ministère de la Justice lui avait demandé de fournir des documents sur des enquêtes passées, dans le cadre de sa vaste investigation lancée fin juillet sur les géants de la tech et d’éventuelles pratiques anti-concurrentielles.

Le géant de la recherche en ligne est régulièrement accusé par ses détracteurs d’imposer des clauses restrictives dans les contrats passés avec des sites tiers – des détaillants en lignes ou des journaux –, empêchant ainsi ses concurrents de placer leurs publicités contextuelles sur ces sites.

« Les services de Google aident les gens au quotidien, proposent beaucoup de choix aux consommateurs et soutiennent des milliers d’emplois et des petites entreprises sur l’ensemble du pays », a réagi vendredi Jose Castaneda, un porte-parole du groupe. « Nous continuons à travailler de façon constructive avec les régulateurs ».

Il est pour l’instant difficile de savoir si ces investigations-la grande enquête fédérale et celles menées par des coalitions d’États-vont être coordonnées.

Les autorités américaines s’inquiètent du rôle dominant d’une poignée des géants de la tech sur les communications et le commerce.

Depuis l’éclatement du scandale Cambridge Analytica en mars 2018, Google et Facebook sont notamment soumis à une attention toute particulière, notamment de la part des gouvernements, tant aux États-Unis qu’en Europe, concernant l’usage des données personnelles.

« Cette enquête traduit l’inquiétude que les grandes entreprises technologiques suscitent au-delà du Congrès et des agences fédérales », estime l’universitaire Michael Carrier. « Chaque jour qui passe voit émerger de grosses frayeurs sur le fait que ces entreprises contrôlent nos vies en ligne ».

Amazon et Apple pourraient se retrouver également dans la ligne de mire des États. Leurs détracteurs font valoir qu’Amazon occupe une place dominante dans le commerce en ligne, tandis qu’Apple désavantagerait ses rivaux qui proposent leurs services sur App Store.

La sénatrice américaine Elizabeth Warren, candidate à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 2020, prône un démantèlement des géants technologiques.

Ce serait difficilement réalisable, estiment des experts juridiques, parce que ces entreprises ont parfois offert des services gratuitement et entraîné, dans certains cas, une baisse des prix.