Difficile de croire que les investisseurs ont poussé un soupir de soulagement hier en regardant le maigre gain réalisé par le principal indice de la Bourse de Toronto. Mais c'est réellement ce qui a été ressenti au lendemain de la conclusion d'un nouvel accord commercial entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

L'indice S&P/TSX a ajouté 31 points lundi pour clôturer à 16 104 points.

« Cette timide réaction reflète vraisemblablement le fait que la majorité des titres qui composent l'indice n'a jamais réellement souffert des inquiétudes liées aux négociations entourant le libre-échange », soutient l'économiste en chef de la BMO, Doug Porter. Ce dernier rappelle qu'il a souvent fait remarquer que l'indice S&P/TSX n'est pas un bon reflet de l'économie canadienne.

Pour réaliser qu'un nuage vient néanmoins de se dissiper, dit-il, il faut analyser la réaction des investisseurs au cas par cas en regardant principalement du côté des fabricants de pièces d'auto, ainsi que de certains producteurs industriels et transformateurs laitiers.

Dans le secteur automobile canadien, l'action de Martinrea a gagné 11 % hier. Celle de Linamar a pris 6 %. Et le titre de Magna a avancé de 2 %.

Le Canada a obtenu l'assurance, bien que technique, que le pays ne sera pas frappé par un tarif de 25 % sur les importations automobiles en vertu de l'article 232, souligne Doug Porter.

Chez les manufacturiers, le titre de l'aciériste Stelco a progressé de 5 %.

« Aucun accord n'a été conclu pour supprimer les tarifs imposés sur l'acier et l'aluminium. Il semble cependant que des pourparlers s'ensuivront. Il y a donc espoir qu'avec le réchauffement des relations commerciales suivant l'accord de dimanche, des progrès pourraient être réalisés du côté des métaux », croit l'économiste en chef de la CIBC, Avery Shenfeld.

Plus près de chez nous, Saputo a vu son action monter de 6 % lundi.

« Le secteur laitier, jadis une vache sacrée, est devenu l'agneau du sacrifice, Ottawa ayant accepté de donner aux agriculteurs américains un plus grand accès au marché canadien. » - Krishen Rangasamy, économiste à la Banque Nationale

« La situation aurait pu être bien pire si le système de gestion de l'offre avait été éliminé », estime l'analyste Michael Van Aelst, de la TD.

Son collègue économiste Derek Burleton ajoute que tel qu'attendu, le Canada se devait de faire des concessions. « Le Canada cède un accès à environ 3,5 % du marché canadien du lait, mais c'est en deçà des 10 % que certains craignaient. »

DES AILES POUR LE HUARD

Accompagnant un mouvement haussier touchant le rendement des obligations canadiennes, le huard s'est apprécié jusqu'à 0,78 cents US, pour atteindre son plus haut niveau en quatre mois.

L'entente pourrait ouvrir la porte à un rythme plus rapide d'augmentations de taux par la Banque du Canada, pense Derek Burleton.

« Une hausse de taux plus tard ce mois-ci est virtuellement assurée et il faut maintenant s'attendre à trois autres hausses de taux en 2019 au lieu de deux. » Le dollar canadien pourrait même atteindre 82 cents US dans les prochains jours, selon lui, si le marché devait notamment escompter d'autres hausses de taux.

La possibilité pour les pays partenaires de réviser les termes de l'entente est probablement la pire des concessions que le Canada a dû faire, croit Krishen Rangasamy. « Les États-Unis pourraient dans six ans décider de ne pas renouveler la nouvelle entente qui expirera alors 10 ans plus tard. Les entreprises pourraient hésiter à investir ou à augmenter leurs activités en sachant que l'accès au marché américain pourrait être coupé à l'avenir. »

« Mais il est toujours possible que le Canada obtienne de meilleures conditions d'une Maison-Blanche plus amicale après les élections présidentielles américaines de 2024. »

L'économiste de la Banque Nationale ajoute par ailleurs que si l'accord est une bonne nouvelle, cela ne veut pas dire que le gouvernement fédéral a achevé sa tâche. 

« Il reste des problèmes de compétitivité à régler. Par conséquent, l'Énoncé économique de l'automne d'Ottawa sera attendu plus que jamais depuis des années. Les entreprises canadiennes attendront de nouvelles mesures visant à égaliser leurs chances avec les entreprises américaines qui profitent de réductions d'impôt accordées récemment. »