Reventes, prix des maisons, mises en chantier, taux d’inoccupation des logements locatifs, tout va baisser dans la région montréalaise cette année, sauf les loyers qui vont bondir de 30 % au cours des trois prochaines années.

Le déséquilibre est grandissant entre la croissance démographique qui alimente la demande de logements et une chute brutale des mises en chantier qui vient limiter l’accroissement de l’offre.

Le loyer moyen d’un logement de deux chambres va ainsi passer de 1022 $ en 2022 à 1120 $ cette année, une hausse costaude de 9,6 %, selon les projections de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), dévoilées jeudi. Aucune accalmie n’est en vue. Le loyer moyen poursuivra sur sa lancée pour atteindre 1230 $ en 2024, puis 1330 $ en 2025.

C’est dire que le loyer moyen dans la région montréalaise va croître de pas moins de 30 % d’ici 2025.

Le taux d’inoccupation, qui s’établissait à 3 % en 2021, va continuer de glisser. De 2 % qu’il était en 2022, il reculera à 1,6 % cette année avant de se stabiliser à 1,4 % en 2024 et 2025.

Ces projections sont tirées de la plus récente édition des Perspectives du marché de l’habitation, rapport annuel offrant un aperçu du marché du Canada et de 18 grands centres urbains et des prévisions jusqu’à la fin de 2025.

Des prévisions qui laissent entrevoir des pleurs et des grincements de dents chez les locataires qui auront à se trouver un logement dans la région de Montréal au cours des 30 prochains mois.

Manque d’offre

« Dans le locatif, on anticipe malheureusement une détérioration de l’abordabilité », dit Francis Cortellino, spécialiste principal, connaissance du marché de Montréal à la SCHL. « Ce n’est pas réjouissant, poursuit-il. Du côté de la construction neuve, on anticipe un ralentissement important des mises en chantier. Là encore, rien de réjouissant pour fermer l’écart dans le manque d’offre. Sous l’angle de l’abordabilité, il y aura encore de gros défis dans les prochaines années. »

Les mises en chantier reculent de façon marquée dans la région montréalaise en 2023. « Après trois mois, le rythme du nombre de constructions neuves est inférieur à notre scénario le plus pessimiste », constate M. Cortellino. Dans le pire des cas, la SCHL prévoyait 18 000 mises en chantier en 2023. Après les trois premiers mois de l’année, le rythme se situe plutôt à 12 000. La cadence avant la pandémie s’établissait à 25 000 nouveaux logements par année. Pour rétablir un équilibre dans le marché, la SCHL a calculé qu’il faut doubler le rythme des mises en chantier par rapport à celui observé au cours des dernières années.

Pour Martin Messier, président de l’Association des propriétaires du Québec, les gouvernants doivent en tirer des leçons.

Si on veut encourager l’investissement immobilier, il faut simplifier les choses. Il faut rassurer les investisseurs et, dans certains cas, si on veut vraiment des logements, il va falloir un allègement fiscal ou des subventions pour permettre aux gens de faire décoller les projets.

Martin Messier, président de l’Association des propriétaires du Québec

« Ce qu’on voit dans ce rapport, dit-il, c’est que ça va prendre des encouragements auprès des investisseurs immobiliers. Quand on regarde une ville comme Montréal, il y a beaucoup d’encombrements, des frais et une lourdeur administrative : le règlement sur la mixité [pour favoriser la construction de logements sociaux et abordables], la certification Propriétaire responsable et l’instauration d’un registre des loyers. À Québec, on veut étudier la clause F du bail, celle qui permet au propriétaire d’un logement de moins de cinq ans d’ajuster son loyer annuellement [sans contrainte]. Ce n’est pas le temps. »

Le temps d’acheter

Pour ce qui est du marché de la revente, l’année 2023 se déroulera en deux temps : ralentissement marqué des reventes, puis, à compter du second semestre, reprise des transactions.

« Depuis le sommet d’avril 2022, les prix ont baissé de 10 % jusqu’à maintenant, indique M. Cortellino au téléphone. Ça se stabilise en milieu d’année. En deuxième partie de 2023, ça recommence à augmenter tranquillement. » En moyenne, la SCHL prévoit une baisse de prix de 5 % en 2023.

Pour les acheteurs qui attendent la baisse de prix pour acquérir une propriété, la fenêtre se fermera bientôt.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

« La baisse récente des prix des habitations au Canada, par rapport à leurs sommets historiques de la pandémie, devrait cesser au milieu de 2023, mais le prix moyen pour l’année sera plus bas qu’en 2022. Les prix augmenteront par la suite et jusqu’à la fin de la période de prévision », soutient la Société canadienne d’hypothèques et de logement.

« Sur l’horizon 2024-2025, sous l’effet d’une reprise des ventes, les prix reprendront une légère tendance à la hausse. En revanche, il n’est pas prévu que cette croissance des prix sera similaire à celle qui avait marqué la période pandémique », lit-on dans le rapport de la SCHL. L’organisme s’attend à une baisse des taux d’intérêt à compter de 2024.

« Il y a bien du vrai dans le rapport de la SCHL, mais, selon moi, ça va rester difficile tout au long de 2023, tant qu’il n’y aura pas de baisse des taux d’intérêt », dit Annie Lemieux, présidente de LSR GesDev, qui a accepté de commenter les prévisions de la SCHL.

LSR construit les appartements locatifs Novia au métro Longueuil. L’échéancier est respecté et la location des unités devance les prévisions, mais les frais de financement s’avèrent plus élevés que les prévisions budgétaires. « Les banques sont réticentes à financer si la SCHL n’assure pas le prêt », constate Mme Lemieux en cette période pénible pour les promoteurs immobiliers. Ces derniers temps, Groupe Sélection, de Laval, et Groupe Huot, de Québec, ont éprouvé de graves problèmes financiers.

En bref

Québec

Une forte baisse des mises en chantier est attendue en 2023 en raison de la croissance des coûts de financement. Particularité régionale, le prix des propriétés augmentera cette année, même si les ventes diminueront. Le marché locatif restera sous pression en 2023, car l’offre est insuffisante pour suivre la demande. Cette conjoncture fera augmenter les loyers de 8 % en trois ans, soit beaucoup moins qu’à Montréal.

Gatineau

La demande de propriétés devrait diminuer en raison des taux hypothécaires élevés et d’un ralentissement de la croissance de l’emploi en 2023. Les prix sont d’ailleurs en baisse depuis quelques mois. Malgré la hausse des taux d’intérêt, le nombre total de mises en chantier en 2023 devrait demeurer historiquement élevé dans cette région. Le taux d’inoccupation des loyers restera faible au moins jusqu’en 2023.

Canada

« La baisse des prix des habitations au Canada, par rapport à leurs sommets historiques de la pandémie, devrait cesser au milieu de 2023, mais le prix moyen pour l’année sera plus bas qu’en 2022. Les prix augmenteront ensuite », soutient la SCHL dans son rapport. Le prix moyen baissera de 8,6 % en 2023, puis augmentera de 7,9 % en 2024 et de 7,5 % en 2025.