Après Téo Taxi et les Alouettes de Montréal, Pierre Karl Péladeau s’offre un exploitant d’aérogare privée. À titre personnel, il vient d’acheter le spécialiste du nolisement de jets privés Starlink Aviation, a appris La Presse. L’homme d’affaires aurait payé bien plus cher que ses rivaux pour rafler la mise.

Selon nos informations, obtenues auprès de quatre sources au fait du dossier, l’actionnaire de contrôle de Québecor – dont la fortune est évaluée à 2,6 milliards par le magazine Forbes – a dû mettre environ 35 millions sur la table, loin devant les offres concurrentes. Les plus élevées oscillaient aux alentours de 20 millions.

Cette entreprise appartenait à l’entrepreneur et philanthrope québécois Philippe de Gaspé Beaubien III ainsi qu’au créateur montréalais de vêtements de luxe Brian Cytrynbaum. Le nom n’a rien à voir avec le fournisseur d’accès à l’internet par satellite Starlink de l’entreprise SpaceX, fondée par le célèbre entrepreneur Elon Musk.

« On a fait un bon voyage avec Starlink, mais c’est à d’autres de prendre la relève, explique M. de Gaspé Beaubien III, joint au téléphone par La Presse. Cela fait 20 ans que nous sommes là. L’entreprise est plus profitable qu’elle ne l’a jamais été. Je peux vous dire que Pierre Karl va vraiment faire une très bonne affaire. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Karl Péladeau

Située à l’intersection des avenues Renaud et Ryan, à l’extrémité est des terrains de l’aéroport Montréal-Trudeau, Starlink se targue d’offrir « la première classe et rien d’autre » à sa clientèle, composée surtout de voyageurs capables de payer des tarifs de plusieurs milliers de dollars l’heure pour voyager en jet privé. Aires de repos, douches, service de douane sur place pour réduire les temps d’attente avant l’embarquement et accès aux « meilleurs services de traiteurs » : les services sont nombreux pour ces voyageurs.

« Vos passagers et vous recevrez un service cinq étoiles », peut-on lire sur le site web de l’entreprise.

Starlink se spécialise également dans d’autres créneaux, comme la gestion d’avions, la maintenance et le transport aérien médical. Son hangar s’étend sur une superficie de 85 000 pieds carrés (7900 mètres carrés).

« Très profitable »

Interrogé, M. de Gaspé Beaubien III n’a pas commenté le prix de vente en évoquant le caractère privé de la transaction – Starlink est une société à capital fermé. Malgré la popularité grandissante du transport privé depuis le début de la pandémie, les deux partenaires ont décidé de passer à autre chose parce qu’ils sont impliqués avec « d’autres compagnies à travers le monde », a expliqué l’entrepreneur et philanthrope, en nommant entre autres l’entreprise québécoise Pur Vodka.

Starlink gère environ 30 avions, affirme son copropriétaire. Il s’agit d’un mécanisme permettant à des propriétaires de jets privés de générer des revenus lorsqu’ils n’utilisent pas leur appareil. Les clients de Starlink ont déjà été informés de l’arrivée de M. Péladeau aux commandes.

Cette acquisition réalisée à titre personnel par l’actionnaire de contrôle de Québecor survient après un automne mouvementé chez Groupe TVA, où M. Péladeau est président et chef de la direction. En novembre dernier, le conglomérat a annoncé le licenciement de 547 employés au sein de Groupe TVA, soit près du tiers de son effectif, en raison de la détérioration des finances de cette filiale de Québecor.

Au cours des 40 dernières années, Starlink est devenue un « véritable leader canadien dans l’industrie de l’aviation d’affaires », a indiqué le bureau de M. Péladeau, dans un déclaration écrite, en précisant que ce dernier s’exprimait en son nom personnel.

« L’entreprise connaît un potentiel de croissance intéressant », a-t-on indiqué, sans préciser davantage.

Contrairement à Téo Taxi et aux Alouettes, ses deux dernières acquisitions plus médiatisées, M. Péladeau semble mettre la main sur une entreprise qui jouit d’une meilleure santé financière. À deux reprises, M. de Gaspé Beaubien III a souligné que Starlink était « très profitable ». Puisqu’il s’agit d’une compagnie à capital fermé, ses états financiers ne sont pas accessibles au grand public.

Dans le cas de Téo Taxi, il a fallu faire renaître l’entreprise de ses cendres après la débâcle de sa mouture initiale, lorsqu’elle appartenait à l’entrepreneur Alexandre Taillefer. En ce qui a trait aux Alouettes, en dépit du récent triomphe de la Coupe Grey, l’équipe a accumulé les pertes ces dernières années, qui se chiffrent en millions. La Presse a rapporté, en mars dernier, qu’elles oscillaient entre 6 et 8 millions pour 2022.

Dans les airs

L’achat de Starlink permet à M. Péladeau de concrétiser son incursion dans l’industrie aérienne, mais d’une autre manière. Celui-ci souhaitait mettre la main sur Transat A. T. à l’époque où l’entreprise avait accepté une offre d’Air Canada. Cette transaction ne s’était pas matérialisée en raison des réticences des autorités commerciales européennes. L’homme d’affaires avait par la suite abandonné son projet d’achat de la société mère d’Air Transat en mai 2021.

Diverses sources de l’industrie aéronautique québécoise consultées par La Presse estiment que M. Péladeau met la main sur une « bonne entreprise » en achetant Starlink. Celle-ci est bien implantée aux abords de Montréal-Trudeau, notamment avec son hangar, dans un moment où l’espace disponible pour construire de telles installations se fait rare.

« C’est une bonne nouvelle pour l’industrie de voir quelqu’un aux reins solides débarquer dans le secteur », a souligné l’une de ces personnes.

Starlink n’est pas la seule à offrir des services de nolisement de jets privés dans les environs de Montréal-Trudeau. On retrouve d’autres concurrents, comme Aviation Etcetera, également installée sur l’avenue Ryan. Déjà implantée dans le secteur, l’entreprise ontarienne Skyservice avait accentué son empreinte en mettant la main, en 2022, sur un hangar de la rue Percival-Reid qui appartenait autrefois à Bombardier.

Starlink Aviation en bref

Année de fondation: 1981

Siège social : Dorval

Activités : nolisement de jets privés, gestion d’avions privés, maintenance, ambulance aérienne

Directeur général : David Bruneau

En savoir plus
  • 5000 pieds carrés
    Superficie du hangar de l’entreprise à ses débuts
    source : Starlink aviation