« Une évolution », « mariage de raison », « première étape d’une fusion »… Le rapprochement d’Air Transat et de Porter Airlines s’intensifie par l’entremise d’une nouvelle coentreprise, qui permettra à ses deux partenaires de mieux rivaliser avec Air Canada et WestJet, acteurs dominants de l’industrie au pays.

Plus précisément, la filiale de Transat A.T. mettra son réseau en complémentarité avec celui du transporteur ontarien afin d’élargir leur gamme de destinations tout en exploitant leurs créneaux respectifs.

« Oui, on devient une option assez puissante sur le marché canadien, affirme la présidente et cheffe de la direction de l’entreprise québécoise, Annick Guérard, en entrevue téléphonique. Ils [Porter] sont très forts sur les marchés intérieur [le Canada] et transfrontalier [les États-Unis] et nous sommes forts sur les Caraïbes et l’Europe. On met tout cela ensemble. »

L’objectif des deux partenaires consiste à remplir plus facilement leurs avions.

Par exemple, Porter pourrait transporter des passagers de l’Ouest canadien vers l’aéroport Montréal-Trudeau, où ils monteraient à bord d’un avion d’Air Transat pour survoler l’Atlantique. Le voyageur n’aurait qu’un seul billet à se procurer et ses bagages seraient enregistrés jusqu’à l’arrivée. La collaboration se fera également de l’Europe vers le Canada.

Ce type de collaboration n’est pas inhabituel dans le secteur aérien. Dans le passé, Air Canada a conclu des accords similaires, notamment avec United Airlines aux États-Unis en 2010. L’entente avait été élargie en juillet 2022. Le plus important transporteur au pays fait également partie d’une coentreprise transatlantique avec United Airlines et Lufthansa.

Collaboration plus étroite

Air Transat et Porter affirment que leur partenariat constitue « une évolution » de l’accord de partage de codes annoncé en 2022 – qui a permis à la compagnie à l’étoile bleue d’accroître son achalandage de 60 000 personnes l’an dernier. Leur réseau combiné devrait permettre d’offrir plus de 80 liaisons en Amérique du Nord, centrale et du Sud, en Europe, en Afrique du Nord, au Mexique ainsi que dans les Caraïbes.

« Nous n’avions pas la possibilité de coordonner nos programmes, nos horaires et commercialiser ces réseaux, souligne Mme Guérard. Nous allons pouvoir collaborer de manière plus approfondie. Il y aura des économies en termes de temps de voyage, de connectivité et pour ce qui est du processus de réservation. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Annick Guérard est présidente et cheffe de la direction de Transat.

Ce rapprochement ne devrait pas avoir de répercussions sur les activités quotidiennes des deux compagnies aériennes, qui demeureront indépendantes en plus de conserver leur propre marque. L’accord survient dans un contexte où la concurrence s’intensifie dans l’industrie aérienne.

Air Canada a repris du poil de la bête, tandis que WestJet a mis la main sur le spécialiste du voyage d’agrément Sunwing. Chez les transporteurs canadiens à bas coût, Flair Airlines et Lynx Airlines caressent de grandes ambitions de croissance.

« C’est un mariage de raison, estime Mehran Ebrahimi, professeur à l’UQAM et directeur de l’Observatoire de l’aéronautique et de l’aviation civile. On voit l’apparition d’une troisième option aux côtés du duopole formé par Air Canada et WestJet. »

Chez RBC Marchés des capitaux, Walter Spracklin estime qu’en regroupant leurs forces, Air Transat et Porter viennent jouer dans les plates-bandes d’Air Canada dans les plaques tournantes que sont les aéroports Montréal-Trudeau et Pearson (Toronto).

Le plus important transporteur au pays sera défié sur deux créneaux : les liaisons transatlantiques et celles à destination des États-Unis.

« Nous considérons cette coentreprise comme négative pour Air Canada », écrit M. Spracklin, dans une note envoyée à ses clients.

Plus qu’un partenariat ?

L’expert en aviation et chargé de cours à l’Université McGill John Gradek estime que l’annonce de mardi finira par mener à une transaction plus importante. Selon lui, cette coentreprise entre Air Transat et Porter représente la première étape d’une « fusion » entre les deux compagnies.

« Quand on regarde ce qui se passe chez Air Canada et WestJet, on constate que ces deux compagnies-là ne sont pas intéressées par une coentreprise avec une autre entreprise canadienne. Je pense que c’est le premier pas d’une fusion. »

Interrogée sur cette possibilité, Mme Guérard a répondu « qu’on ne parle pas d’une entente plus large » entre Air Transat et Porter « au moment où on se parle ». Il y a encore « beaucoup de travail à faire » pour tout mettre en place, dit-elle. Pour les voyageurs, les « synergies » devraient s’observer « à compter de la prochaine saison d’hiver [2024-2025] en novembre prochain ».

L’annonce n’a pas eu d’incidence sur l’action de Transat. À la Bourse de Toronto, mardi, le titre a pris 0,02 $ pour se négocier à 3,05 $.

Bientôt un programme de fidélisation chez Transat

Un programme de fidélisation fera bientôt son apparition chez Transat. L’entreprise québécoise affirme être en train de finaliser l’élaboration de cet outil marketing, qui devrait être prêt « en 2025 », selon Mme Guérard. « Il va y avoir une réciprocité complète [avec Porter et la coentreprise], dit-elle. Cela va créer beaucoup de valeur. MmGuérard n’a pas offert plus de détails sur la manière dont fonctionnera le programme de fidélisation. Porter a déjà son propre programme (VIPorter).

En savoir plus
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    WestJet est l’autre transporteur avec lequel Air Transat a conclu une entente de partage de codes.
    transat a.t.