Un an après être devenu transactionnel, Le Panier bleu – sans directeur général depuis le mois d’août – est-il toujours pertinent ? Alors que nombre de détaillants estiment qu’il faudrait revoir les principes fondamentaux de la plateforme, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, affirme qu’elle a toujours sa place, mais croit que Le Panier bleu pourrait subir des ajustements s’il devenait moins utile pour les commerçants.

« Le Panier bleu, c’est un outil. On s’ajustera. Le jour où [les détaillants] vont dire : “On n’a pas besoin du Panier bleu parce qu’on le fait nous autres mêmes”, on aura gagné », a-t-il déclaré à la suite d’un discours prononcé dans le cadre du sommet Hop !, évènement organisé jeudi par le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD).

Là, on voit beaucoup d’entreprises qui s’organisent elles-mêmes [en développant un site transactionnel]. Le Panier bleu a toujours voulu être un complément.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie

Depuis le mois d’août, la plateforme, créée par le gouvernement Legault en pleine pandémie, n’a plus de directeur général à la suite du départ d’Alain Dumas. Actuellement, l’intérim est assuré par Sylvain Prudhomme, président du conseil d’administration. Interrogé à propos d’un éventuel successeur, M. Fitzgibbon a répondu qu’il y avait « des gens compétents autour de ça ». « On va s’ajuster par rapport aux besoins. »

Alors que nombre d’entreprises ont elles-mêmes développé leur plateforme transactionnelle, des détaillants estiment que Le Panier bleu devrait revoir sa mission. « J’ai déjà un site transactionnel. À un moment donné, il faut choisir ses ressources pour avoir un retour sur investissement, croit Vicky Scalia, cofondatrice des magasins de chaussures L’intervalle, également présente à l’évènement. Je ne pourrais pas dire que c’est la fin du Panier bleu, mais il faudrait revoir sa mission, ajoute celle qui est à la tête d’une entreprise comptant 16 boutiques partout au pays. En trois ans, on a évolué. Plusieurs commerçants ont développé leur site transactionnel.

« On a quand même investi de bons montants d’argent là-dedans. J’aurais voulu y retrouver une façon de générer de la valeur pour les détaillants québécois. »

« Un gros travail à faire »

La nouvelle version du site, devenu transactionnel en octobre 2022, a représenté un investissement total de 22 millions de dollars. À titre d’OBNL, le site avait reçu 4,4 millions en subventions de la part de Québec. Le Panier bleu appartient maintenant à Plateforme Agora inc. Cette société privée, fondée en février 2021 selon le Registraire des entreprises du Québec, est constituée d’actionnaires minoritaires, dont Desjardins, le Fonds de solidarité FTQ, l’entreprise Lightspeed, qui se spécialise dans le commerce électronique, et le gouvernement du Québec (Investissement Québec). On y retrouve environ 400 marchands et 175 000 produits.

Pour Mathieu Hoste, président d’Oleka, entreprise de décoration intérieure, « Le Panier bleu, ce n’est pas mauvais, c’est juste que ce n’est pas le bouton magique ».

« On ne pourrait jamais vivre du Panier bleu. On a une à trois ventes par semaine. C’est très, très faible », ajoute-t-il.

On a un affichage gratuit, à travers un site internet qui a un certain volume, un certain trafic. Pour une entreprise, c’est un plus, mais ce n’est pas une source de revenus.

Mathieu Hoste, président d’Oleka

« Honnêtement, tous les détaillants qui sont sur Le Panier bleu espèrent que le consommateur achète sur leur plateforme parce que l’argent va directement dans leur poche, il n’y a pas de commission versée au Panier bleu », estime M. Hoste.

« J’ai de la misère à comprendre comment ça peut devenir un incontournable. Il y a un gros travail à faire. Il y a quelque chose à améliorer. Je ne vois pas que c’est le projet du siècle. »

Encore un engouement pour l’achat local ?

Par ailleurs, le ministre Fitzgibbon, qui a fait la promotion de la certification Produits du Québec adoptée récemment par nombre de détaillants, dont BMR, SAIL, DeSerres et JC Perreault, reconnaît qu’il y a un certain essoufflement de l’engouement pour l’achat local. « On peut peut-être dire qu’il y a moins d’engouement que pendant la pandémie. Je pense que les Québécois en général veulent encourager localement, a-t-il toutefois ajouté. C’est une période plus difficile en ce moment. On voit une pression sur les consommateurs. Je pense que ce n’est pas parti. Il faut juste peut-être l’ajuster, le redynamiser. »