Même si les résultats du premier trimestre seront sous pression, le grand patron de Lightspeed Commerce assure que l’objectif d’afficher un bénéfice d’exploitation au cours de l’exercice est « non négociable ».

« C’est une certitude, tranche le chef de la direction, Jean Paul Chauvet, en entrevue jeudi en marge du dévoilement des résultats du quatrième trimestre. C’est certain que le premier objectif, c’est la rentabilité. […] Quand on regarde tous les efforts qu’on a faits l’an dernier, c’est dans l’objectif d’être rentable cette année. »

L’entreprise a toutefois prévenu les investisseurs qu’elle mettra les bouchées doubles pour intégrer les services de paiement aux plateformes de ses clients existants. Elle veut intégrer de « cinq à six fois » plus de clients à son service de paiement par rapport à l’an dernier.

Cet effort aura toutefois un effet défavorable sur les résultats de la première moitié de l’exercice 2024 (clos le 31 mars 2024). Les prévisions de la direction pour le premier trimestre (clos le 30 juin) sont inférieures aux attentes des analystes.

L’entreprise anticipe des revenus de 195 millions US à 200 millions US. Le point médian de 197,5 millions US est ainsi inférieur à la prévision moyenne des analystes de 207,4 millions US, selon des données compilées par Valeurs mobilières TD. La société réitère toutefois son objectif de générer un bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) au cours de l’exercice 2024.

L’annonce a été mal accueillie par les investisseurs tandis que l’action perd plus de 10 % à la Bourse de Toronto.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Le chef de la direction de Lightspeed Jean Paul Chauvet

M. Chauvet défend sa stratégie, que le marché n’aurait « probablement pas comprise », selon lui. « La première moitié de l’année, il y aura moins de croissance qu’on avait historiquement parce qu’on va concentrer les activités de l’entreprise pour ramener nos clients sur les paiements. La bonne nouvelle, c’est que, si on fait ça bien, la deuxième moitié de l’année, on va avoir une très forte croissance et on va voir la profitabilité en plus de ça. »

L’adhésion au service de paiement est maintenant obligatoire pour les nouveaux clients. L’entreprise compte intégrer le plus de clients existants possible à sa plateforme centralisée dans les prochains mois.

Plus simple et plus rentable

La proposition de centraliser tous les services sur une même plateforme est « gagnante-gagnante », croit le dirigeant. Cette offre serait plus simple pour le client et lui permettrait d’être plus efficace. Elle serait également plus rentable pour Lightspeed.

Le revenu moyen net par utilisateur est près de deux fois plus élevé pour un client qui utilise le paiement, souligne M. Chauvet. « C’est deux fois plus rentable ! »

Les démarches de Lightspeed pourraient être payantes à long terme, mais elles auront un effet défavorable sur les résultats à court terme, abonde l’analyste Daniel Chan, de Valeurs mobilières TD. « Bien que ce soit positif pour la croissance et les marges, des vents contraires pourraient souffler sur les marges au cours des prochains trimestres tandis que les coûts des appareils et du service à la clientèle vont augmenter. »

Dans cette phase de transition, la société a d’ailleurs retiré son objectif d’afficher une croissance interne annuelle d’entre 35 % et 40 % des revenus tirés des abonnements et du traitement de transactions.

Les restaurants vont mieux que la rénovation

Questionné sur l’état des affaires de ses clients, M. Chauvet nuance que la réponse dépend des secteurs d’activité. Il constate un ralentissement dans les secteurs comme les détaillants de plein air et de rénovation, mais il ajoute que les restaurants et les magasins de luxe prospèrent.

« Tout ce qui était bon durant la pandémie est encore en décroissance. Dans certaines industries, il y a jusqu’à 20 % de décroissance par rapport à l’an dernier. »

Même si la restauration est dans une posture plus favorable, la direction préfère publier des prévisions « très prudentes ». « Avec l’instabilité économique, on préfère être prudents plutôt que d’être trop agressifs et être forcés de faire des ajustements aux prévisions. »

Les résultats

Au quatrième trimestre (clos le 31 mars 2023), Lightspeed a dévoilé une perte nette de 74,5 millions US, comparativement à une perte nette de 114,5 millions US à la même période l’an dernier. Le bénéfice ajusté dilué par action arrive à l’équilibre, à 0 $.

Les ventes, pour leur part, augmentent de 26 % à 184,2 millions US.

La perte avant impôts, intérêts et amortissement (BAIIA), une donnée qui refléterait mieux les activités de l’entreprise selon la direction, est de 4,3 millions US, comparativement à une perte de 19,7 millions US à la même période l’an dernier.

Avant la publication des résultats, les analystes anticipaient une perte par action de 3 cents, des revenus de 184,2 millions US et une perte BAIIA de 7,6 millions US, selon la firme de données financières Refinitiv.

La perte BAIIA moins grande que prévu est un indicateur que la société approche de l’atteinte d’un BAIIA positif en 2024, juge M. Chauvet. « On a fait deux fois mieux que ce que le marché espérait. »

L’analyste Kevin Krishnaratne, de Banque Scotia, accueille favorablement les résultats du quatrième trimestre. « Les revenus étaient sensiblement semblables aux prévisions avec une perte BAIIA inférieure aux anticipations. Les principaux indicateurs comme les revenus par abonné et l’ajout de points de vente sont meilleurs que la tendance récente. »

L’action de Lightspeed perdait 2,50 $, ou 12,5 %, à 17,50 $ à la Bourse de Toronto en fin de journée jeudi.