Des minijupes. Ce symbole de la mode des sixties volait la vedette dans la première boutique Marie Claire ouverte en 1965. Toujours présent, le détaillant québécois, qui compte aujourd’hui 300 magasins, a réussi un tour de force. Il a su « vieillir avec sa clientèle », passer à travers les modes et survivre à la pandémie.

Le Groupe Marie Claire est plutôt réservé, il ne fait pas beaucoup de bruit. « Mon père était très discret et il nous a transmis ça », reconnaît d’emblée Sylvain Lafrance, président de l’entreprise familiale fondée par ses parents.

Or, les choses risquent de changer. « Dernièrement, on a décidé de se faire connaître », lance d’un ton assuré M. Lafrance au bout du fil. Le détaillant, qui compte les enseignes Marie Claire Boutiques, Grenier, Claire France, San Francisco, Livøm et Dans un Jardin, a récemment fait appel aux services d’une boîte de relations publiques afin d’accroître sa visibilité, conçu plusieurs stratégies de marketing et annoncé son partenariat avec la populaire animatrice Véronique Cloutier dans le but d’offrir des collections sous la marque Véro.

La création des boutiques Livøm, nouveau concept qui vise à conquérir une clientèle plus jeune en offrant des vêtements confortables, des articles de décoration et des meubles, fait également partie des manœuvres mises en place pour que le Groupe demeure bien présent à l’esprit des consommateurs. « On a décidé de marier le vêtement, le meuble et la déco, dans un même magasin. Tout est à vendre : le luminaire, la table, le vêtement, l’étagère, le comptoir-caisse », explique fièrement M. Lafrance, en décrivant Livøm.

C’est sûr que c’est une stratégie pour aller chercher une clientèle différente. On ne voulait pas créer une enseigne qui joue dans les plates-bandes des autres.

Sylvain Lafrance, président du Groupe Marie Claire

L’entreprise compte actuellement quatre magasins Livøm et elle a bien l’intention d’exporter son concept à l’extérieur du Québec, voire au-delà des frontières canadiennes.

Le secret du succès

Malgré tous ces projets, de l’aveu même de son président, les dernières années et plus récemment la pandémie ont été difficiles pour Marie Claire, et pour bon nombre de détaillants québécois dont certains ont bien failli disparaître. « On a eu peur, c’est définitif. Je ne le cacherai pas », confie M. Lafrance.

Dans les circonstances, comment réussit-on à survivre ? Quelle est la recette du succès ? « Il faut être présent dans son commerce, faire attention à ses dépenses, il n’y a pas de secret », répond celui qui dirige les destinées de l’entreprise avec sa sœur Stéphanie et son frère Martin.

Au-delà des principes qui prévalent en affaires, un inconnu s’est ajouté dans l’équation, permettant au Groupe de faire ses frais pendant la pandémie : le gel désinfectant.

L’idée de commercialiser un gel dans les boutiques Dans un Jardin traînait déjà « sur la tablette à projets ». Mais comme dans bien des cas, la COVID-19 a forcé l’entreprise à concrétiser son idée rapidement.

« La journée où tous les commerces ont fermé, les gels désinfectants se sont mis à se vendre énormément [en ligne], raconte Sylvain Lafrance. La première semaine, on a fait des ventes jamais vues. La Banque de Montréal a acheté 12 000 bouteilles. Tout le monde en cherchait partout. »

Quand la COVID est arrivée, Dans un Jardin est l’une des enseignes qui nous ont aidés à passer au travers.

Sylvain Lafrance, président du Groupe Marie Claire

Il s’agit par ailleurs d’un doux réconfort pour les dirigeants de l’entreprise. Ceux-ci n’ont pas toujours connu de beaux jours avec Dans un Jardin, qui commercialise une gamme de produits pour le corps et le bain. Après avoir frôlé la faillite en 2018, le détaillant, propriété de la famille Lafrance, mais géré à l’époque par une « tierce partie », a été ramené dans le giron du Groupe.

« On a décidé de reprendre les rênes de Dans un Jardin, de l’amener à notre siège social et d’être vraiment présent », explique Sylvain Lafrance.

Alors que les produits étaient vendus dans 800 points de vente (pharmacies) et dans une soixantaine de magasins, l’entreprise a entrepris un régime minceur. « C’était trop. La tarte était séparée en beaucoup trop de morceaux. »

Aujourd’hui, Dans un Jardin compte 30 boutiques.

Une histoire de famille

Maintenant que l’entreprise est dirigée par la deuxième génération, l’influence des parents qui l’ont fondée se fait toujours sentir. Au cours de l’entrevue, Sylvain Lafrance citera son père, disparu récemment, à plusieurs reprises. Et Mme Lafrance, la fameuse Marie Claire, se présente au bureau… tous les jours.

« Elle veut s’impliquer. Elle ne veut pas arrêter de travailler. Dernièrement, elle est allée voir son médecin et il lui a dit que le travail, c’était bon pour elle. »

« Elle a pris ça pour du cash et elle est encore là aujourd’hui, raconte son fils en riant. Il lui a dit ce qu’elle voulait entendre. »

Maintenant que les enfants sont grands, ils ont bien l’intention d’assurer la pérennité de l’entreprise en pensant aux prochaines générations. « Notre première boutique a ouvert en 1965. À ce moment-là, notre clientèle avait 18 ans. On vendait des minijupes. Notre clientèle qui nous a connus à ce moment-là, elle ne nous a jamais lâchés et elle a vieilli avec nous. Et maintenant, c’est la nouvelle clientèle qui vieillit qu’on tente d’aller chercher. »

Groupe Marie Claire

Première boutique : 1965

Nombre de magasins (2022) : 300

Boutiques : Grenier, Marie Claire, Claire France, San Francisco, Dans un Jardin, Livøm

Siège social : Montréal

Nombre d’employés : 1643 (siège social et magasins)