Après avoir enterré la hache de guerre, le Groupe Sélection et ses banquiers promettent une restructuration ordonnée du promoteur immobilier et propriétaire de résidences pour aînés (RPA) insolvable. Quelque 960 créanciers ordinaires nagent cependant dans l’incertitude en attendant d’être payés et craignent de ne récolter que des miettes.

« Avant de parler des banques, on devrait parler des petites et moyennes entreprises, estime Christian Grenier, président d’Électrimat. Une banque qui perd quelques millions, ce n’est pas la même chose qu’une PME qui perd le même montant. »

Tous les créanciers contactés par La Presse s’entendent sur une chose : il était essentiel de s’assurer du maintien des services aux aînés dans les RPA du Groupe Sélection. Puisque cette incertitude semble dissipée, ils espèrent ne pas être oubliés.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Christian Grenier, président-directeur général d’Électrimat

Ils devront s’armer de patience avant d’en savoir davantage. Le travail du contrôleur, Christian Bourque, ne fait que commencer. Il lui faudra encore quelques semaines avant d’identifier ce qui devra être fait. Signe que le climat est moins tendu, un communiqué commun a été diffusé, jeudi, par PwC, le représentant des banquiers, et Réal Bouclin, fondateur et président du Groupe Sélection. Les deux parties promettent de collaborer après les « moments difficiles des dernières semaines » où l’on se disputait le contrôle du redressement financier.

Le nom d’Électrimat, un distributeur de matériel électrique et de luminaires, apparaît sur la longue liste des créanciers ordinaires du Groupe Sélection. Le géant des RPA lui doit 1,4 million. À cela s’ajoute plus de 1 million en matériel commandé pour des projets immobiliers en cours.

Au 14 novembre dernier, les dettes du Groupe Sélection s’élevaient à environ 905 millions. Les créances garanties s’élevaient à près de 845 millions, des sommes qui doivent être payées en priorité à des institutions financières notamment. Les créanciers ordinaires pourraient donc laisser de l’argent sur la table.

Pour protéger les sommes qui lui sont dues, Électrimat a fait inscrire des hypothèques légales sur certains projets. M. Grenier espère que BMD Électrique, une société apparentée au Groupe Sélection, restera électricien pour l’entreprise. L’entreprise devra patienter pour en avoir le cœur net. Le contrôleur doit évaluer tout ce qui gravite autour de la division immobilière, responsable d’une importante partie des débours du Groupe Sélection.

« Le pire scénario serait que le contrôleur décide que BMD ne fasse plus les travaux, affirme M. Grenier. Nous serions à risque de perdre pour les commandes déjà livrées, mais aussi pour les équipements faits selon les spécifications de chacun des projets, qui, eux, ne sont pas livrés. »

« Je suis inquiet »

Président d’Armatures Bois-Francs, Éric Bernier ne cache pas son inquiétude. Dans le cas de l’entreprise établie à Victoriaville, qui se spécialise dans la fabrication et l’installation d’acier d’armature, les factures impayées s’élèvent à 2,3 millions. L’homme d’affaires doute qu’il y ait suffisamment d’argent pour payer tout le monde.

« Je suis inquiet, confie M. Bernier. Puisque la compagnie est sous la LACC [Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies], nous sommes obligés de continuer à travailler pour ne pas être en défaut. Ils ne me paient pas, mais on doit continuer à travailler pour eux. »

Le dirigeant d’Armatures Bois-Francs croise les doigts pour que les activités de construction ne cessent pas brusquement sur certains chantiers une fois que le contrôleur aura terminé son évaluation. Si ce scénario se concrétise, les conséquences ne seront pas seulement financières.

PHOTO FOURNIE PAR EXPOSE IMAGE

Éric Bernier, président d’Armatures Bois-Francs

Il y aura un autre préjudice à cause d’un surplus de main-d’œuvre. On ne peut pas se virer de bord du jour au lendemain. On a des ouvriers sur les chantiers, des employés en usine pour réaliser le contrat. Du jour au lendemain, on ne pourra pas nécessairement leur trouver autre chose.

Éric Bernier, président d’Armatures Bois-Francs

La Presse a également pu s’entretenir avec deux autres fournisseurs du Groupe Sélection dans le secteur de la construction immobilière. On doit des sommes qui se comptent en centaines de milliers de dollars aux deux entreprises. Par crainte pour leur réputation dans l’industrie, les deux fournisseurs ont préféré ne pas être nommés.

Dans les deux cas, on attend impatiemment les sommes en souffrance.

« Nous sommes extrêmement chanceux d’être une entreprise en santé, explique le dirigeant d’une des sociétés. On est capables de s’arranger. Nous souhaitons que les projets en cours se terminent. Cela nous laisserait le temps de nous préparer à combler une clientèle que l’on pourrait perdre. »

La prochaine mise à jour émanant du contrôleur sur la situation du Groupe Sélection est prévue le 21 décembre prochain. C’est à cette date qu’a été fixée la prochaine audience devant la Cour supérieure du Québec, qui supervise la restructuration judiciaire.

En savoir plus
  • 272 millions
    Somme du prêt que les banquiers du Groupe Sélection veulent se faire rembourser
    Source : Pricewaterhousecoopers