(Paris) Rappelé à la tête de Disney, Bob Iger va devoir relever des défis de taille pour améliorer la situation financière du groupe. Si certains voient en lui l’homme providentiel, le patron compte aussi des détracteurs.

M. Iger a signé un contrat de deux ans, à l’issue duquel il devrait être à nouveau remplacé. Lors de son premier mandat, de 2005 à 2020, il avait laissé l’image d’un patron actif, capable de mener à bien les acquisitions de studios de renom (Pixar, Marvel, Lucasfilm) et de la plupart des actifs de 21st Century Fox.

Il avait aussi fait grimper la valeur boursière du royaume de Mickey.

« Cette décision audacieuse peut sembler être la bonne », commente Paolo Pescatore, consultant pour PP Foresight, au sujet du retour surprise de M. Iger, 71 ans.

« Toutefois, l’entreprise se trouve dans une autre phase de sa croissance, ajoute l’analyste. Cela prendra du temps, et un succès immédiat n’est pas garanti. »

« Secousses »

L’un des principaux chantiers auxquels M. Iger devra s’atteler concerne les activités de diffusion en continu, sur lesquelles Disney a beaucoup misé ces dernières années mais qui traversent une passe difficile.

Lors de la publication des résultats trimestriels du groupe début novembre, l’action de Disney avait dévissé à Wall Street, notamment en raison des pertes opérationnelles liées aux plateformes de vidéo à la demande (Disney+, ESPN+, Hulu).

« Il faut s’attendre à davantage de secousses et à de nouvelles pertes dans le secteur de la diffucion en continu, car il n’y a pas de solution miracle vers la rentabilité », prévient M. Pescatore. 

« C’est inquiétant étant donné qu’une période de récession approche à grands pas et que les utilisateurs seront obligés de faire des arbitrages difficiles entre la nécessité de continuer à payer ou l’inscription à l’un des nombreux autres services » de diffusion en continu, poursuit-il.

Point positif : la plateforme Disney+, qui a été lancée à la fin du premier mandat de M. Iger, continue de gagner des abonnés et comptait 164 millions de clients fin septembre.

Mais pour Jonathan Kees, de Daiwa Capital Markets America, les problèmes actuels de Disney résultent aussi des choix effectués par M. Iger.

« Il a poussé à la création de Disney+ qui est devenue une entreprise commerciale coûteuse », rappelle l’analyste. 

Quant au rachat des actifs de 21st Century Fox, il a « à lui seul alourdi le bilan de Disney d’une dette énorme, ce qui n’est pas apprécié par les investisseurs sur le marché boursier actuel ».

« Héritage »

M. Iger devra faire face à la pression d’investisseurs militants en attente de résultats rapides.

Le fonds Third Point, qui a augmenté sa participation au capital de Disney l’été dernier, fait partie des acteurs les plus expressifs en la matière.

Dan Loeb, son patron fondateur, a récemment exprimé sa volonté que les activités du média sportif ESPN soient séparées du reste du groupe Disney avant de revenir quelque peu sur sa position. M. Iger a, lui, toujours refusé une telle scission.

Pour répondre aux interpellations de M. Loeb, Disney a nommé en septembre Carolyn Everson, figure respectée du secteur des médias, à son conseil d’administration. En échange, Third Point s’est notamment engagé à ne pas monter à plus de 2 % du capital du groupe.

Selon le Wall Street Journal, le retour de M. Iger est également décrié par le fonds militant Trian, qui a acquis pour plus de 800 millions de dollars d’actions de Disney après la dégringolade boursière ayant suivi la publication des résultats trimestriels.

Malgré l’aura que M. Iger continue d’avoir au sein du groupe, sa mission pourrait donc s’avérer périlleuse.

« En fin de compte, c’est son héritage qui est en jeu », résume M. Pescatore.

Un autre qui est déçu par cette nomination inattendue est Reed Hastings, patron de Netflix. Mais ses arguments sont différents de ceux des investisseurs militants.

« J’aurais aimé qu’Iger soit candidat à la présidence des États-Unis, a-t-il confié sur Twitter. Il est formidable. »