Le chaos aéroportuaire a surtout été synonyme de vacances perturbées, mais il provoque également des turbulences à l’extérieur des grands centres. Pas facile de gérer une entreprise quand on dépend de l’avion et qu’il est en retard ou cloué au sol.

« J’estime avoir facilement perdu pour au moins 300 000 $ de ventes parce que je ne me suis pas déplacée, déplore Mirka Boudreau, présidente-directrice générale d’Int-elle corporation, établie à Sept-Îles. Avant la pandémie, les annulations, on voyait cela rarement. »

L’empreinte de cette entreprise de la Côte-Nord, spécialisée dans les contrats clés en main (ingénierie et construction) ainsi que la construction, est diversifiée. En plus de ses activités québécoises, elle compte une filiale au Mexique.

Fermont, Montréal, Mexico… Mme Boudreau n’a pas le choix de voyager pour se déplacer et rencontrer des clients. Depuis le printemps, la cadence a changé. Faute de certitude, l’entrepreneure s’est résignée à mettre un frein sur les déplacements.

PHOTO FOURNIE PAR INT-ELLE CORPORATION

Mirka Boudreau est présidente-directrice générale d’Int-elle Corporation.

« Si je planifie des rencontres et que je ne me pointe pas la première journée parce que tout est retardé, cela a l’air d’un manque de sérieux pour les clients, se désole-t-elle. Je suis en processus d’acquisition d’une usine au Mexique. Je devrais y aller pour tout ce qui entoure la vérification au préalable. On fait tout à distance. On perd du temps, ce n’est pas facile. »

Il peut aussi y avoir des maux de tête lorsqu’on attend des travailleurs de l’extérieur qui n’arrivent pas ou qu’ils ne peuvent repartir. Le scénario est également survenu chez Int-elle pour un contrat de maintenance ferroviaire avec la Compagnie minière IOC. Les imprévus ont coûté au moins 50 000 $ en frais d’hôtel et en heures supplémentaires, notamment, selon Mme Boudreau.

« C’est un enjeu majeur, dit-elle. Les perturbations aériennes entraînent des surcharges. Si un employé est coincé ici, il faut que je le paye. Ce n’est pas gratuit. C’est une logistique pour tenter de savoir qui arrive à temps. Ce sont des pertes de profits sur le contrat. »

Gymnastique d’horaire

La vigueur de la reprise dans l’industrie aérienne, combinée à un manque de personnel chez les transporteurs et dans les aéroports, a provoqué une vague d’annulations à travers le monde, dont au Canada.

Plus importante compagnie aérienne au pays, Air Canada a sabré en moyenne 154 vols quotidiennement pendant l’été. Ces perturbations ne touchent pas seulement les liaisons internationales et transfrontalières.

Les vols qui doivent relier Montréal-Trudeau à des régions comme Sept-Îles et Rouyn-Noranda ont aussi écopé. Par exemple, Jazz Aviation, une société établie à Halifax qui fournit un service régional pour Air Canada, a annulé environ 240 de ses vols (17 %) prévus au départ de Dorval, selon la firme de données Cirium.

À Sept-Îles, le vol quotidien d’Air Canada – qui n’est pas la seule compagnie à desservir la région – vers Montréal-Trudeau n’a pas eu lieu à une dizaine de reprises au cours du mois de juin.

Habituellement, l’équipe de Développement économique Sept-Îles (DESI) effectue mensuellement entre trois et cinq vols vers les grands centres afin de rencontrer des promoteurs de projets. Le directeur général Russel Tremblay a décidé de jouer de prudence, même si cela s’accompagne d’une facture : les représentants de DESI arrivent au moins une journée avant un rendez-vous.

« C’est carrément une autre logistique, dit-il. Faire Sept-Îles–Montréal en voiture, c’est 11 heures. On a besoin de l’avion. En arrivant à l’avance, les frais sont plus élevés. C’est une nuit de plus à l’hôtel, au moins trois repas supplémentaires. »

Pour la plus récente réunion de son conseil d’administration, qui se tenait à Montréal, Éric Beaupré, président et chef de la direction de Technosub, établie à Rouyn-Noranda, a tourné le dos à l’avion. L’homme d’affaires a plutôt opté pour sa voiture pour parcourir les 600 kilomètres vers la métropole.

L’aller-retour en une journée entre Montréal et Rouyn-Noranda n’est plus possible depuis le mois de mai.

« On a eu une mauvaise surprise il n’y a pas si longtemps, relate M. Beaupré. Un employé est parti le jeudi et n’est pas revenu le vendredi parce que le vol était annulé. Il est finalement rentré le samedi en voiture. C’est long en voiture, mais on ne prend plus le risque. »

Avec 12 points de services au Canada et une antenne américaine en Arizona, le spécialiste des solutions de pompage pour les secteurs industriel et minier réorganise son horaire. Une équipe de Technosub planifiait une visite de succursales à l’extérieur au cours de l’été. Cela a été repoussé à la fin d’août, affirme M. Beaupré.

En savoir plus
  • 15 %
    En révisant son horaire d’été, Air Canada a sabré plus de 15 % de ses vols prévus en juillet et en août.
    source : Air Canada