(Montréal) Le projet d’Hydro-Québec de livraison d’électricité à l’État de New York ne risque pas de faire face aux mêmes obstacles que la ligne d’interconnexion au Maine, croit le chef de l’exploitation de la filiale américaine de la société d’État, Serge Abergel.

Une des raisons est que l’État de New York n’a pas de processus référendaire qui peut remettre en question un projet, comme c’est le cas au Maine, explique le dirigeant d’Hydro-Quebec Energy Services en entrevue, en marge d’une présentation à la Conférence de Montréal, mardi. Il souligne également que le projet new-yorkais a tous les permis nécessaires pour effectuer la construction qui permettrait une mise en service en 2025.

M. Abergel ne crie pas victoire pour autant pour ce contrat qui pourrait générer des revenus de 20 milliards sur 25 ans et alimenter l’équivalent d’un million de foyers en électricité. « J’ai des craintes pour l’ensemble des projets, admet-il. Je veux être clair, ce n’est pas parce qu’il y a une menace précise, mais c’est notre travail d’être proactif. On ne tient rien pour acquis. »

Le projet d’Hydro-Québec jouit également d’un fort soutien des communautés qui subissent les effets de la pollution atmosphérique liée à la production d’énergie fossile que veut remplacer l’État de New York par des sources d’approvisionnement propres, avance M. Abergel.

Il a donné l’exemple des centrales thermiques d’appoint aux alentours de la ville de New York. La pollution atmosphérique qu’elles produisent touche particulièrement l’arrondissement de Queens sur l’île de Manhattan. La population a donné le nom de « couloir de l’asthme » à certains secteurs défavorisés.

« C’est l’endroit aux États-Unis qui a le plus haut taux d’asthme en raison de la pollution locale de l’air, a dit M. Abergel lors de sa présentation. Les gens se sont mobilisés et ont dit qu’ils en ont assez de cette discrimination environnementale. »

En attente d’un jugement

La situation est plus incertaine pour le projet de ligne d’interconnexion au Maine. Le projet de 336 kilomètres qui traverserait le Québec et l’État américain pour acheminer de l’électricité vers le Massachusetts a été rejeté à 59 % par les citoyens du Maine lors d’un référendum en novembre dernier.

L’avenir du projet est entre les mains de la Cour suprême du Maine qui devra déterminer si le résultat du référendum est inconstitutionnel, comme le prétendent Hydro-Québec et ses partenaires. D’ici là, les travaux sont suspendus.

La Cour suprême du Maine doit aussi trancher une autre cause déterminante pour le projet. Des permis pour une portion de la ligne de 1,6 kilomètre sont également contestés. Un juge de la Cour supérieure du Maine a invalidé les permis en question accordés par le gouvernement en 2014. Le jugement est en appel.

Hydro-Québec anticipe un jugement d’ici la fin juillet pour les deux causes, qui seraient rendues probablement en même temps. M. Abergel dit avoir bon espoir d’avoir gain de cause. « On va laisser la Cour rendre sa décision, mais on demeure convaincu qu’un projet qui a obtenu ses permis avec quatre ans de processus mérite d’aller de l’avant. »

Le partenaire d’Hydro-Québec au Maine, NECEC, a déjà dépensé près de 450 millions US, ce qui représente 43 % des coûts anticipés, selon des documents déposés devant les tribunaux. Si le projet devait être abandonné, Hydro-Québec estime, pour sa part, qu’elle devra inscrire une charge de 536 millions à ses résultats, selon son rapport annuel.

Le contrat de ventes d’électricité avec le Massachusetts rapporterait des revenus de 10 milliards sur 20 ans à Hydro-Québec. Il réduirait les gaz à effet de serre de 3 millions de tonnes métriques, l’équivalent d’enlever 700 000 voitures de la route.

Dans l’attente du jugement, la société d’État n’a pas identifié une voie alternative pour réaliser son projet d’exportation vers le Massachusetts. Effectuer un autre tracé nécessiterait un autre processus d’appel d’offres du Massachusetts, « selon la compréhension » de M. Abergel. « Il n’y a pas la flexibilité de recycler cet appel d’offres pour avoir un autre projet. »