(Ottawa) L’interruption de service nationale « inacceptable » qui a touché les réseaux de Rogers fera l’objet d’une enquête du CRTC. Les entreprises de télécommunications devront prendre des « mesures immédiates » afin d’assurer la « résilience et la fiabilité » des réseaux au Canada.

Le ministre canadien de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, y est allé de ces mises au point après avoir discuté au téléphone pendant environ une heure avec le patron de Rogers Communications, Tony Staffieri, et d’autres leaders de sociétés de télécommunications.

« J’ai exprimé la frustration de plus de 12 millions de Canadiens qui ont été affectés, de plusieurs centaines de milliers de petites et moyennes entreprises qui ont été dépourvues de systèmes de paiement électronique, celle de services d’urgence comme 911, qui n’ont pas pu fonctionner pendant cette période », a-t-il relaté.

Le ministre dit avoir « exigé » des entreprises qu’elles concluent « un accord formel », au plus tard dans les 60 prochains jours, entourant l’itinérance d’urgence et l’assistance mutuelle pendant les pannes, et élaborent un protocole de communication pour mieux informer le public et les autorités pendant les urgences.

M. Champagne a aussi dit s’attendre à ce que l’on indemnise « de façon proactive et adéquate » les personnes et entités touchées, sans pour autant s’avancer sur ce qui représenterait, selon lui, une compensation susceptible de réparer les torts commis.

« Évidemment, ce sera à la compagnie de déterminer la nature des indemnisations. […] Je suis conscient qu’une demande d’action collective a été déposée », s’est contenté d’affirmer M. Champagne en conférence téléphonique.

Demande d’action collective

C’est qu’il n’a pas fallu de temps avant que l’affaire ne se retrouve devant les tribunaux.

Lundi matin, une demande d’action collective a été présentée devant la Cour supérieure du Québec par le cabinet LPC Avocat. Celui-ci réclame 400 $ par client de Rogers, Fido ou Chatr qui n’a pas reçu les services pour lesquels il paie « le 8 juillet et/ou le 9 juillet ».

Sur Twitter, Rogers Communications a promis un dédommagement automatique à ses clients. Mais cela n’empêcherait pas un tribunal d’imposer à l’entreprise le versement de dommages punitifs, soutient l’avocat au dossier, Joey Zukran, dans sa requête.

Car une compensation équivalant à deux jours d’utilisation – comme le service à la clientèle de l’entreprise l’a proposé dans un gazouillis cité dans le document – « est tout à fait inadéquat », et ne tient pas compte des « autres dommages […] subis », écrit-il.

Si mon client reçoit 5 ou 6 $ en dédommagement, pour lui, ce n’est pas assez », a indiqué l’avocat.

Joey Zukran, du cabinet LPC Avocat à l'origine de la demande d'action collective

D’autant plus que « jusqu’à la panne de réseau », le fournisseur de services se targuait d’être « le réseau le plus fiable au Canada », et qu’il s’agit donc là de « fausse représentation », est-il écrit dans la requête présentée en cour.

Une première tranche de 200 $ est ainsi réclamée pour chaque client, afin de compenser l’interruption de service, et l’autre, de 200 $, pour « fausse représentation ».

Les causes de la panne

Rogers Communications a expliqué que la panne avait été provoquée par une mise à jour de maintenance de son réseau de base. Des millions de Canadiens se sont alors retrouvés sans service mobile ni internet. Cela a perturbé la police, les tribunaux, Service Canada, les radiodiffuseurs et la technologie Interac, entre autres.

Lisez « Un problème informatique serait à l’origine de la panne de Rogers »

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) se penchera là-dessus.

« Ils ont dit qu’ils allaient commencer leur enquête prochainement, et ça, c’est vraiment pour comprendre la cause, la nature du problème. Et de là sortiront des éléments de solution pour savoir ce qu’on peut faire dans l’avenir, ce que Rogers aurait pu mieux faire », a expliqué le ministre Champagne.

La panne a débuté vendredi et a pris fin samedi.

L'action recule de 5 %

L’action de Rogers a perdu 5 % de sa valeur durant la première séance boursière de la semaine. Le titre de l’entreprise ontarienne de télécommunications avait cédé 1 % vendredi alors que ses réseaux étaient paralysés par une panne générale touchant plusieurs millions de clients au Canada.

Le coût associé à la compensation pour les clients touchés par la panne est évalué à 70 millions, une somme qui paraîtra dans des résultats trimestriels à venir à l’automne. L’élément clé, cependant, selon l’analyste Aravinda Galappatthige, de la firme Canaccord, est d’évaluer l’impact potentiel sur la marque et les activités.

Richard Dufour, La Presse

Avec la collaboration de Marie-Eve Fournier, La Presse