Pour la « première fois depuis longtemps », le Québec, grâce à sa filière batterie, est de retour sur le radar des constructeurs automobiles, affirme le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne. Parallèlement, les acteurs de l’industrie appellent les gouvernements à garder le pied sur l’accélérateur pour éviter de se faire doubler dans la course à l’électrification.

Cet intérêt des géants de l’automobile signalé par le ministre Champagne ne signifie pas le retour d’une usine sur le sol québécois. Il s’agit plutôt d’une occasion d’accroître les liens entre le Québec et l’Ontario – qui abrite notamment les chaînes d’assemblage de General Motors, Ford et Toyota au pays.

« Je leur parle [aux constructeurs] toutes les semaines, a-t-il dit, lundi, à l’occasion d’une table ronde organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). C’est la première fois depuis longtemps que l’on voit ces grands manufacturiers, même européens, [s’intéresser] à ce qui se fait au Québec. »

La filière batterie était au cœur de l’évènement qui regroupait des représentants d’acteurs québécois du secteur, comme la Compagnie électrique Lion, Nouveau Monde Graphite, Stromvolt et Recyclage Lithion. M. Champagne y participait en compagnie de sa collègue responsable de l’Agence de développement économique, Pascale St-Onge, et du ministre québécois de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon.

Le Québec a perdu sa dernière usine d’assemblage d’automobiles il y a presque deux décennies lorsque General Motors (GM) a fermé ses portes à Boisbriand, en août 2002. Hyundai avait mis la clé sous la porte de ses installations de Bromont en 1994.

En matière d’électrification, le Québec s’est spécialisé dans les véhicules commerciaux, comme les autobus, les camions lourds et les ambulances. Parallèlement, deux entreprises en démarrage, Britishvolt et Stromvolt, ambitionnent de construire des usines de batteries dans la province.

C’est ici que des constructeurs automobiles, à la recherche d’un approvisionnement stable de ces pièces névralgiques à l’assemblage des électriques, pourraient s’impliquer. Ils pourraient, par exemple, soutenir des fabricants de batteries. Le Québec deviendrait une source d’approvisionnement pour son voisin ontarien.

« Ce que j’aime particulièrement […], c’est de voir comment le Québec et l’Ontario peuvent s’arrimer dans ce que j’appelle le véhicule du futur », a souligné M. Champagne.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne

Dans le cadre de sa stratégie, le gouvernement Legault prévoyait, en octobre dernier, que les investissements totaux – privés et publics – avoisineraient les 8 à 10 milliards sur quelques années.

Des rivaux et des défis

Avec son hydroélectricité et son sous-sol qui regorge de minéraux comme le nickel, le lithium, le graphite et le cobalt, le Québec dispose de nombreux atouts pour se tailler une place dans le créneau de l’électrification. Mais la concurrence s’intensifie.

Aux États-Unis, les projets d’usines de batteries se confirment, en plus d’être appuyés par le géant de l’automobile. Un exemple : GM a annoncé, la semaine dernière, vouloir dépenser jusqu’à 7 milliards US au Michigan, notamment pour y construire une usine de batteries.

« Le marché a besoin que tous les acteurs aillent plus vite, a souligné Benoit Couture, président de Recyclage Lithion. Le défi est de suivre la cadence. Nous sommes à peine prêts à notre commercialisation et partout dans le monde, on voudrait que l’on soit en train de desservir les marchés. »

Le financement et l’accès aux capitaux pour croître constituent donc un défi pour les entreprises de la grappe québécoise. À cela s’ajoute le défi de trouver de la main-d’œuvre qualifiée. Québec a ciblé le parc industriel et portuaire de Bécancour comme pôle de développement de sa filière électrique.

Des entreprises comme Nouveau Monde Graphite et Nemaska Lithium y sont installées. L’endroit devrait également accueillir l’usine de batteries de Britishvolt si elle voit le jour.

« Quand on va avoir besoin de 250 employés chacun ou qu’un fabricant de cellules en aura besoin de 5000 […], on a de la misère à recruter 10 personnes à Bécancour, a lancé le président et chef de la direction de Nouveau Monde Graphite, Eric Desaulniers. Il va falloir trouver des solutions créatives. »

Un autre élément pourrait donner un coup de frein à la filière électrique : le protectionnisme de l’administration Biden. Washington propose un crédit d’impôt maximal de 12 500 $ US pour l’achat de véhicules zéro émission construits sur le sol américain. Dans un contexte de « régionalisation » des chaînes d’approvisionnement, M. Champagne a dit avoir bon espoir de « trouver une solution avec [ses] partenaires américains ».

En savoir plus
  • 145
    Il pourrait y avoir quelque 145 millions de véhicules électriques sur les routes aux quatre coins du monde d’ici la fin de la décennie.
    SOURCE : Agence Internationale de l’Énergie