(Montréal) La décision du tribunal qui avait statué que les dispositions anti-briseurs de grève du Code du travail s’appliquent bel et bien aux employés en télétravail est contestée.

C’est le Tribunal administratif du travail qui avait rendu une décision à cet effet, à la fin du mois de novembre dernier.

Le syndicat Unifor, affilié à la FTQ, avait déposé une plainte au tribunal, arguant le recours à des travailleurs de remplacement durant le lock-out décrété à la cimenterie de Joliette, qui appartient au Groupe CRH Canada. Or, l’un des travailleurs visés était en télétravail.

Pendant un conflit de travail, le Code du travail du Québec interdit à un employeur de recourir aux services de certaines personnes « dans l’établissement où la grève ou le lock-out a été déclaré ». Mais que veut dire « dans l’établissement », lorsqu’une personne est en télétravail ?

Le Tribunal administratif du travail avait jugé que le travail effectué par cette personne, à partir de son domicile, durant le lock-out, contrevenait aux dispositions anti-briseurs de grève.

Il avait conclu que « l’établissement » de l’employeur ne se limitait pas à l’édifice proprement dit, mais incluait le télétravail, vu le contexte de la pandémie de la COVID-19. Le juge administratif Pierre-Étienne Morand avait dit considérer que le télétravail, dans ce contexte, représentait une sorte d’« établissement déployé » de l’employeur.

Cette décision du tribunal avait même été saluée par le ministre du Travail et de l’Emploi, Jean Boulet, qui avait affirmé qu’il avait toujours soutenu que les lois du travail du Québec s’appliquaient au télétravail.

« Pour l’ensemble des employeurs »

Or, l’employeur, le Groupe CRH Canada, conteste maintenant cette décision du Tribunal administratif du travail devant la Cour supérieure. Et il dit le faire pour l’ensemble des employeurs qui sont soumis au Code du travail du Québec.

« Considérant l’impact au plan pratique de la Décision, non seulement pour CRH, mais également pour l’ensemble des employeurs dont les activités sont assujetties au Code, il appartient au législateur, et non aux tribunaux, de revoir les dispositions législatives pertinentes et d’y apporter des modifications s’il l’estime nécessaire », écrit le Groupe CRH dans sa requête.

Dans sa requête, l’employeur reproche au Tribunal administratif du travail d’avoir excédé sa compétence.

« Le Tribunal administratif du travail a excédé sa compétence et s’est substitué au législateur, en créant un nouveau concept d’“établissement déployé » qui n’est pas prévu au Code », écrit l’employeur dans sa requête.

Il lui reproche aussi de s’être éloigné du sens de la décision rendue par la Cour d’appel dans le dossier du lock-out au Journal de Québec face au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), lui aussi affilié à la FTQ.

La Cour d’appel avait alors retenu « une approche restrictive de la notion d’établissement, la limitant au lieu précis dont l’employeur a théoriquement verrouillé les portes », est-il écrit dans la requête du Groupe CRH.