(Paris) Le groupe pétrolier français Total a annoncé vendredi son intention de se retirer du puissant American Petroleum Institute (API), qui regroupe des industriels américains du secteur des hydrocarbures, en raison de divergences sur la question climatique.

« Total annonce sa décision de ne pas renouveler son adhésion pour 2021 », indique dans un communiqué l’entreprise, qui emploie près de 7000 personnes aux États-Unis et possède une grosse raffinerie au Texas.

À l’issue d’une revue de routine de ses adhésions à diverses associations professionnelles, Total estime que les positions de l’API sont seulement « partiellement alignées » avec les siennes sur le climat.

Le groupe lui reproche notamment « son soutien au relâchement de la réglementation américaine sur les émissions de méthane », son adhésion à un groupe de pression opposé aux soutiens aux véhicules électriques ou encore des positions éloignées des siennes sur le principe de tarification du carbone.

Par ailleurs, l’API s’est engagée lors des récentes élections en faveur de candidats qui s’étaient exprimés contre le soutien des États-Unis à l’Accord de Paris.

Total, dans un communiqué de presse

Organisation centenaire basée à Washington, l’API revendique plus de 600 entreprises membres du secteur pétrolier et gazier.

L’API veut forer dans un refuge faunique en Alaska

Elle s’était aussi il y a quelques mois félicitée de la volonté du gouvernement de Donald Trump de lancer la procédure de vente de concessions pétrolières et gazières dans le refuge national de la faune de l’Arctique, où vivent des ours polaires et des caribous.

« Dans le cadre de notre Ambition climat publiée en mai 2020, nous nous sommes engagés à nous assurer, de manière transparente, que les associations professionnelles auxquelles nous adhérons portent des positions et des messages alignés avec ceux du groupe dans la lutte contre le réchauffement climatique », a souligné Patrick Pouyanné, PDG de Total, cité dans le communiqué.

« Cette transparence répond aux attentes de nos parties prenantes, mais c’est également un gage indispensable de la crédibilité de notre stratégie », a-t-il jugé.

« Nous pensons que les défis énergétiques et environnementaux du monde sont assez grands pour que des approches différentes soient nécessaires pour les résoudre », a réagi un porte-parole de l’API. « Nous bénéficions d’une diversité de points de vue », a-t-il ajouté, sollicité par l’AFP.  

L’API s’est au passage de nouveau prononcé contre les subventions aux énergies -même propres- car cela revient à distordre le marché au détriment du consommateur, selon l’institut.

Le secteur continue de chercher à « réduire les émissions des États-Unis et assurer l’accès à une énergie abordable et fiable », a ajouté le porte-parole.

Que feront BP et Shell ?

La britannique BP avait quitté l’an dernier trois associations pétrolières américaines qui ne respectent pas ses objectifs en matière de lutte contre le changement climatique, mais pas l’API, dont les positions sont toutefois seulement « partiellement alignées » avec les siennes.  

« Tous les regards sont désormais tournés vers BP et Shell qui ont tous les deux fait beaucoup de bruit autour de leur départ d’associations sectorielles » pour des raisons climatiques, mais qui « restent membres de l’API », a déclaré Charlie Kronick, un responsable de l’ONG Greenpeace au Royaume-Uni, en réaction à l’annonce de Total.

Interrogé par l’AFP, BP n’a pas souhaité faire de commentaires vendredi. Son concurrent Shell n’avait pas donné suite aux sollicitations.

Le fonds de pension norvégien KLP estime également que la décision de Total « met la pression sur Equinor (groupe pétrolier norvégien, NDLR), Shell et BP pour faire de même très bientôt ».

« Il n’y a simplement aucune justification pour être membre de groupes de pression qui s’opposent à la réglementation sur les émissions et entravent l’action pour répondre à l’urgence climatique », selon Jeanett Bergan, une responsable de KLP.