La fermeture des salles à manger des restaurants à compter de 17 h la veille du jour de l’An est le pire scénario qui soit pour les restaurateurs. De leur côté, les détaillants poussent un soupir de soulagement. Chez les quincailliers, on applaudit même la décision de fermer les commerces le dimanche.

« Pour nous, c’est le pire des scénarios, se désole Martin Vézina, directeur des affaires publiques et gouvernementales de l’Association Restauration Québec (ARQ). On espérait que le gouvernement garde les salles ouvertes, quitte à limiter les tables à une seule bulle familiale, mais le gouvernement ferme simplement les salles à manger pour la troisième fois en près de deux ans. »

« La résilience des entrepreneurs n’est pas sans limites », met en garde François Vincent, vice-président pour le Québec de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), qui compte beaucoup de restaurateurs parmi ses membres. Pendant la pandémie, les restaurants ont contracté une dette moyenne qui dépasse 200 000 $, souligne-t-il.

« C’est une décision malheureuse qui aura des répercussions à court terme et à long terme pour notre industrie », craint M. Vézina.

À court terme, des pertes sèches sont au menu. Les frigos pleins en prévision de la Saint-Sylvestre le resteront après 17 h le 31 décembre. L’ARQ demande que les restaurateurs soient dédommagés pour leurs pertes alimentaires.

La même requête est formulée par les propriétaires de bars. « Les programmes en place ne s’appliquent pas aux propriétaires de bars, ou seulement partiellement, par exemple dans le cas de l’aide au paiement du loyer », dit Renaud Poulin, président de la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec.

Mais ce sont les répercussions à long terme de cette troisième fermeture qui inquiète le plus M. Vézina, de l’ARQ. « Notre personnel va aller travailler dans les autres secteurs qui restent ouverts et ils ne reviendront pas dans notre industrie. Ces fermetures à répétition rendent l’industrie instable. C’est démoralisant pour les exploitants. »

Les magasins restent ouverts, sauf le dimanche

Du côté des détaillants, on se console à l’idée que les commerces restent ouverts, même si on se dit déçu de la fermeture décrétée pour les trois prochains dimanches.

« On est contents de pouvoir ouvrir six jours sur sept, même si préférait sept jours sur sept, dit Jean-Guy Côté, directeur général du Conseil québécois du commerce de détail. Contrairement à d’autres activités, les boutiques et magasins ne sont pas des lieux de rassemblement », ajoute-t-il. Les commerces doivent déjà limiter l’achalandage à 1 personne pour 20 mètres carrés de superficie.

Les dépanneurs, les stations-service, les pharmacies pourront rester ouverts sept jours sur sept.

L’annonce de la fermeture le dimanche réjouit par ailleurs les quincailliers, qui réclament cette mesure depuis l’été dernier. « Je dis : alléluia ! », s’est écrié Richard Darveau, président de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction. « Tous nos membres vont être contents, ça va être unanime. » Pour M. Darveau, fermer le dimanche, en plus de favoriser la conciliation travail-famille, va améliorer les marges bénéficiaires de ses membres.

« Il est possible de limiter la propagation du virus sans fermer les commerces », fait valoir de son côté François Vincent, de la FCEI. Si ceux-ci éprouvent des problèmes de disponibilité de main-d’œuvre, ils ont le loisir, eux-mêmes, de décider de fermer le dimanche, d’après lui. M. Vincent souligne que 55 % des PME n’ont pas retrouvé leurs ventes d’avant la pandémie. Du lot, près d’une sur quatre risque de ne pas traverser l’année 2022, selon les données recueillies par son organisme.

Pour limiter l’effet sur l’affluence les autres jours de la semaine, la FCEI demande au gouvernement du Québec de permettre le ramassage de commandes en bordure de rue le dimanche.

M. Vincent demande aussi à Québec d’envisager de raccourcir la période d’isolement des malades asymptomatiques de la COVID-19 de 10 à 5 jours, comme aux États-Unis.

De plus, le report de la réouverture des écoles au 17 janvier aura un impact négatif sur la disponibilité de la main-d’œuvre, selon le porte-parole de la FCEI.

« Surtout pour les familles avec des enfants qui ne sont pas autonomes, les parents ne pourront pas offrir une force de travail adéquate aux entreprises », corrobore Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

Avec la collaboration de Lila Dussault, La Presse