(Gatineau) BCE a exhorté jeudi le CRTC à rejeter la proposition de rachat de Shaw Communications par Rogers Communications pour 26 milliards, tandis que les opérateurs indépendants ont demandé plus de garanties au groupe de réglementation.

S’exprimant lors de l’avant-dernier jour des audiences à Gatineau, cette semaine, les représentants de BCE ont fait écho aux préoccupations soulevées par les radiodiffuseurs, les producteurs et les distributeurs au sujet de la domination du marché que Rogers obtiendrait si l’accord était approuvé.

« Le pouvoir de marché que Rogers cherche à acquérir aura un impact négatif à long terme qui se répercutera dans tout cet écosystème interdépendant », a prévenu le directeur juridique et réglementaire de BCE, Robert Malcolmson.

« En cas de succès, Rogers atteindra un degré de contrôle sur le secteur de la radiodiffusion à des niveaux jamais envisagés auparavant, sans aucun avantage compensatoire clair pour le système de radiodiffusion canadien. »

M. Malcolmson a évoqué le rejet initial, par le CRTC, de l’acquisition d’Astral Media par BCE en 2012, en raison de la taille qu’elle aurait occupée sur le marché, comme un précédent clair pour rejeter, sinon au moins exiger des engagements de la part de Rogers pour se départir d’actifs afin de réduire sa future part de marché.

La vice-présidente du contenu et de l’intelligence d’affaires chez Bell, Sarah Farrugia, a fait valoir que si Rogers était autorisé à obtenir 47 % des abonnés à la radiodiffusion de langue anglaise, il serait en mesure d’obtenir les droits exclusifs des programmes internationaux, qu’il pourrait utiliser pour diriger ses abonnés vers ses services de diffusion en continu en ligne, au détriment du système de diffusion.

« Il est très clair que la transaction permettrait à Rogers de bénéficier d’une position dominante dans les négociations pour la distribution, ce qui, à son tour, entraînerait une réduction des revenus pour les chaînes canadiennes. »

Rogers a fait valoir qu’il a besoin d’une envergure accrue pour rivaliser avec la concurrence croissante d’entreprises comme Netflix et Amazon, tout en maintenant les abonnés au sein du système de radiodiffusion réglementé.

Des acteurs indépendants veulent des garanties

Alors que les concurrents directs de Rogers tels que Telus et BCE se sont catégoriquement opposés à l’accord lors des audiences, les entreprises qui dépendent de Rogers et de Shaw pour héberger leur programmation ont exprimé des commentaires plus précis, avec de nombreuses demandes axées sur le maintien du statu quo pendant une certaine période.

L’Independent Broadcast Group a demandé à Rogers de s’engager à maintenir 50 chaînes indépendantes, comparativement aux 40 que l’entreprise a dit qu’elle maintiendrait pendant trois ans.

Ethnic Channels Group a demandé que le CRTC exige que les revenus d’abonnement des producteurs ethniques indépendants ne diminuent pas avant cinq ans, et le producteur de contenu de télévision pour enfants WildBrain a demandé que l’organisme de réglementation oblige Rogers à continuer de diffuser les émissions indépendantes actuellement hébergées par Rogers ou Shaw pendant cinq ans. D’autres ont demandé que Rogers soit obligée de maintenir les services de diffusion par satellite que Shaw fournit actuellement.

Plus tôt jeudi, le directeur général de la Canadian Media Producers Association, Reynolds Mastin, a appelé à des avantages plus tangibles liés à l’accord, affirmant que les 5,7 millions d’avantages totaux proposés n’étaient pas proportionnels à la taille de l’accord.

« Le CRTC devrait s’assurer que le demandeur s’engage à offrir un ensemble d’avantages tangibles proportionné à la taille et à la nature de la transaction, et qui profite clairement et sans équivoque aux Canadiens et à leur système de radiodiffusion. »

Le syndicat Unifor a fait part de ses inquiétudes concernant les plans de Rogers visant à reprendre les 13 millions par an que Shaw donne à Global News pour réaliser une expansion de son propre réseau CityNews, affirmant que ce plan risquait de réduire la diversité des voix dans les petits marchés.

Les audiences du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) se concentrent sur les implications de l’accord pour le secteur de la radiodiffusion. Les autres questions soulevées par la transaction, comme celles qui ont trait aux services de communications sans fil, seront examinées par le Bureau de la concurrence et par Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

Rogers doit répondre vendredi aux questions soulevées lors des audiences du CRTC depuis le début de la semaine.