(Ottawa ) La ministre des Finances, Chrystia Freeland, compte faire une mise à jour économique et financière au début de décembre. Principale mesure au menu : une hausse du taux d’imposition pour les banques et les compagnies d’assurance, qui entrerait en vigueur le 1er janvier, selon des informations obtenues par La Presse.

Le gouvernement Trudeau souhaite ainsi marquer un grand coup en mettant en œuvre l’une des promesses phares de la dernière campagne électorale visant à faire « payer les riches » : majorer l’impôt des banques et des compagnies d’assurance dont les profits dépassent 1 milliard de dollars par an. Leur taux d’imposition passera donc de 15 à 18 %.

Cette mesure, combinée à un dividende de la relance que compte aussi imposer le gouvernement libéral aux entreprises qui ont bien tiré leur épingle du jeu durant la pandémie, doit rapporter 2,5 milliards de dollars par année au Trésor fédéral au cours des quatre prochaines années.

Le gouvernement Trudeau propose d’utiliser une partie de ce pactole pour venir en aide aux jeunes familles qui souhaitent acheter leur première propriété, entre autres choses. L’accès au logement abordable était un enjeu important du dernier scrutin.

Le secteur bancaire canadien, qui avait mal réagi quand les libéraux de Justin Trudeau ont fait cette promesse durant la dernière campagne, s’est résigné à l’idée de voir le taux d’imposition augmenter dès le début de la nouvelle année.

Avant de prendre sa retraite, en octobre, l’ancien PDG de la Banque Nationale, Louis Vachon, avait écorché le gouvernement de Justin Trudeau, l’invitant à faire davantage preuve de rigueur budgétaire avant de cibler ainsi le secteur bancaire ou les compagnies d’assurance.

« Avant d’augmenter les impôts sur les banques et sur le monde des affaires en général, on devrait peut-être avoir un peu plus de rigueur au niveau des dépenses gouvernementales actuellement », a déclaré M. Vachon dans une entrevue au Journal de Montréal quelques heures avant se prendre sa retraite.

« Ce qui nous agace actuellement dans la situation, c’est que l’on est ciblé dans un contexte qui n’est pas budgétaire, mais électoral », avait-il ajouté.

Pour sa part, John Aiken, analyste du secteur bancaire à Toronto et chef de la recherche pour la firme Barclays au Canada, avait soutenu dans une entrevue à BNN Bloomberg que l’augmentation du fardeau fiscal risquait de donner un coup de frein à la rentabilité des banques. « On trouve étonnant qu’ils visent le secteur financier en particulier et non pas d’autres secteurs qui ont vraiment très bien fait durant la pandémie. »

Le 2 décembre

Selon des informations obtenues par La Presse, mercredi, la ministre Freeland a encerclé la date du jeudi 2 décembre pour présenter une mise à jour économique et financière. Cette date pourrait toutefois changer en fonction des résultats des joutes parlementaires qui surgissent inévitablement lorsqu’un gouvernement est minoritaire à la Chambre des communes. Les travaux parlementaires doivent reprendre le 22 novembre. Le gouvernement Trudeau énoncera les grandes priorités de son troisième mandat dans un discours du Trône qui sera lu par la gouverneure générale Mary Simon au Sénat le 23 novembre.

« La mise à jour économique et financière doit avoir lieu au début de décembre. Et la hausse du taux d’imposition des banques et des compagnies d’assurance doit en faire partie », a indiqué une source bien au fait des intentions du gouvernement Trudeau.

Cette mise à jour permettra aussi de faire le point sur l’état de santé de l’économie canadienne alors que l’on travaille à Ottawa et dans les provinces sur des plans de relance.

La ministre Freeland devrait aussi être en mesure de préciser l’ampleur du déficit fédéral. En campagne, les libéraux de Justin Trudeau ont promis 78 milliards de dollars de nouvelles dépenses au cours des cinq prochaines années, mais seulement 25 milliards de dollars de nouveaux revenus.

En avril, la ministre des Finances a déposé un budget qui comportait un plan de relance de 100 milliards de dollars sur trois ans et prévoyait un déficit de 154 milliards de dollars durant l’exercice financier en cours et d’environ 60 milliards de dollars en 2022-2023. Ce budget était le premier déposé par le gouvernement Trudeau en deux ans, la pandémie de COVID-19 ayant chamboulé toutes les projections touchant les dépenses et les revenus l’an dernier.

Depuis qu’il est au pouvoir, le gouvernement Trudeau a présenté un budget déficitaire frisant les 20 milliards de dollars annuellement durant son premier mandat. Durant son deuxième mandat, le déficit a explosé à cause de la pandémie de COVID-19 et les nombreuses mesures de soutien adoptées pour aider les familles, les travailleurs et les entreprises durant la crise sanitaire. Selon le dernier budget fédéral, le déficit devait s’établir à 354 milliards en 2020-2021.

L’ancien ministre des Finances Paul Martin a instauré la pratique de faire une mise à jour économique et financière à l’automne dans le milieu des années 90. Depuis lors, cette pratique fait partie des mœurs politiques à Ottawa, et même dans la plupart des provinces.