Britishvolt voit grand pour l’usine de cellules lithium-ion, cet élément de base de la batterie des véhicules électriques, qu’elle souhaite construire au Québec – un projet jugé sérieux par le gouvernement Legault. Selon les informations obtenues par La Presse, le parc industriel et portuaire de Bécancour est le site privilégié pour accueillir le complexe.

L’entreprise britannique, qui a vu le jour en 2019, table sur un site d’une capacité pouvant atteindre 60 gigawattheures (GWh) – ce qui permettrait d’alimenter annuellement environ 170 000 camions lourds électriques –, un centre de recherche et de développement ainsi qu’une installation de traitement des anodes et des cathodes.

« Le but est de procéder à la plus grande intégration verticale possible tout en ayant la plus petite empreinte carbone possible », a expliqué une source bien au fait du dossier, mais qui n’est pas autorisée à s’exprimer publiquement.

En avril dernier, Britishvolt avait créé une antenne canadienne dirigée par l’ex-premier ministre québécois Philippe Couillard. Ce dernier ainsi que quatre autres représentants de l’entreprise britannique sont inscrits au Registre des lobbyistes dans le but d’obtenir un soutien financier. Investissement Québec, bras financier de l’État québécois, le ministère de l’Économie et de l’Innovation ainsi qu’Hydro-Québec sont les interlocuteurs visés.

Selon le Registraire des entreprises, l’adresse de Britishvolt Canada est identique à celle du cabinet d’avocats Dentons, situé à la Place Ville Marie, et qui compte M. Couillard parmi ses rangs.

Cet intérêt de l’entreprise anglaise survient au moment où le gouvernement Legault prévoit investir de 1 à 2 milliards au cours des deux ou trois prochaines années afin d’accélérer le développement de la filière batterie, de la mine au module de batteries. Cela devrait s’accompagner d’investissements privés oscillant entre 4 et 6 milliards.

Investissement Québec avait déjà confirmé des pourparlers avec Britishvolt. Les discussions, maintenant jugées sérieuses par le gouvernement Legault, ont continué de progresser.

« Ils font des choses que nous n’avons pas et que l’on essaie d’attirer », a souligné une source gouvernementale à La Presse.

Le nom de Britishvolt Canada figure également au Registre des lobbyistes du gouvernement fédéral afin de solliciter un appui. Il s’agit vraisemblablement d’un projet milliardaire.

Au Royaume-Uni, l’entreprise a commencé la construction d’un complexe d’une capacité de 30 GWh, dont la facture est estimée à 2,6 milliards de livres (environ 4,5 milliards de dollars). Elle est épaulée par la filiale britannique du géant allemand Siemens.

La production doit débuter au quatrième trimestre de 2023. Ce projet doit se décliner en trois phases de 10 GWh. Il est permis de croire qu’une trajectoire similaire serait empruntée au Québec.

À La Presse, deux sources ont indiqué que la cible de 60 GWh pour le complexe de Britishvolt au Québec était jugée ambitieuse.

Nombreux attraits

Britishvolt n’a pas fourni de détails sur l’emplacement du site qu’elle convoite au Québec, mais elle souhaite que son usine soit située à proximité d’un port en eau profonde et d’un accès à un réseau ferroviaire. Les cellules prendraient le chemin de l’Ontario, où les constructeurs automobiles sont implantés, dans un premier temps.

L’entreprise souhaite également être alimentée par une source d’énergie renouvelable. Propriété d’une société d’État provinciale, la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour répond à tous ces critères. Si Britishvolt dit évaluer plus d’un endroit, ce parc industriel situé dans le Centre-du-Québec est l’option privilégiée, d’après nos informations.

PHOTO FOURNIE PAR LA SOCIÉTÉ DU PARC INDUSTRIEL ET PORTUAIRE DE BÉCANCOUR

Le parc industriel et portuaire de Bécancour offre notamment un accès à un port en eau profonde ainsi qu’à des installations ferroviaires, éléments recherchés par Britishvolt.

Le Québec dispose d’un atout afin de séduire les fabricants de cellules lithium-ion : son hydroélectricité, qui permet aux entreprises de réduire leur empreinte carbone.

Nouveau Monde Graphite et Nemaska Lithium, deux transformateurs de la filière des batteries au lithium-ion, ont déjà annoncé avoir l’intention de construire des usines dans le parc industriel et portuaire de Bécancour. Britishvolt ne serait donc pas en territoire inconnu.

Actuellement, les cellules de batteries lithium-ion proviennent essentiellement de la Chine. Des usines sont toutefois en construction en Europe. Sur le territoire nord-américain, le Québec, dont le sous-sol regorge de minerais jugés essentiels dans la fabrication des batteries, comme le lithium, le nickel et le graphite, ambitionne également de se positionner dans la filière de l’électrification des transports.

Projet concurrent

Mardi dernier, StromVolt, établie en Ontario, mais dirigée par le Québécois Maxime Vidricaire, avait dévoilé une transaction avec le géant asiatique Delta Electronics pour l’aider à faire cheminer son projet d’usine de cellules lithium-ion.

Il s’agit d’une proposition concurrente à celle de Britishvolt. Ces deux entreprises ambitionnent d’être le premier fabricant de cellules sur le sol québécois.

De son côté, le constructeur d’autobus et de camions Compagnie électrique Lion a choisi d’implanter à Mirabel son usine de bloc-batteries afin d’alimenter ses véhicules.

Malgré ce nouveau site, l’entreprise établie à Saint-Jérôme s’attend à continuer d’acheter les cellules auprès de fabricants étrangers, essentiellement en Chine.

2035

Année à partir de laquelle la vente de véhicules neufs à essence sera interdite au Canada. La demande pour les véhicules électriques continuera ainsi de croître.