En Estrie, lorsqu’on roule sur la route 143, à la hauteur de Richmond, un bâtiment noir attire l’attention, celui de Guitabec. Si ce nom n’est pas connu de tous, ce qu’il renferme est de la musique aux oreilles de nombreux amateurs de rock, pop, folk : les célèbres guitares Godin.

Ils sont deux frères. Pas le duo de chanteurs 2Frères, bien que celui-ci possède des guitares Godin, mais les frangins Patrick et Simon Godin, copropriétaires de Guitabec. Eux aussi aiment avoir des guitares Godin en main. « On est des guitaristes manqués, lance toutefois Patrick, l’aîné. C’est pour ça qu’on les fabrique ! »

Guitabec, dont le siège social est situé à Baie-d’Urfé, fabrique des guitares Godin, Norman, Seagull et… Simon & Patrick dans cinq usines au Québec (La Patrie, Princeville et Richmond), mais Richmond est le repaire pour la conception de guitares électriques. Derrière les portes du grand bâtiment en aluminium noir, ouvert en 2003, grouillent près de 150 employés. « On aimerait en avoir 500 juste à Richmond, affirme Simon. On produit beaucoup d’instruments. On vend dans 100 pays. Toutes les guitares sont vendues, donc on ne peut augmenter la cadence présentement. »

Comme partout, Guitabec souffre d’un manque de main-d’œuvre.

Notre carnet de commandes est rempli jusqu’en 2023. On travaille jour et nuit.

Simon Godin, copropriétaire de Guitabec

Nombreux sont les gens qui se sont mis à la guitare pendant la pandémie. « On a de la misère à fournir, affirme Simon. Ça ne nous empêche pas de dormir, mais on doit ajuster nos prix, car celui de la matière première a subi une hausse fulgurante, et ça n’est pas descendu encore. Le tarif pour les conteneurs a quintuplé. »

Remarquez que l’usine de Richmond de 150 000 pieds carrés déborde de matériaux, car on y entrepose les essences d’épinette, de cèdre, d’acajou, d’érable, de merisier, de bois de rose… Certaines arrivent par blocs, d’autres, découpées ou en gros cubes. « Les portes ne ferment plus à cause de l’inventaire, illustre Patrick. Fabriquer une guitare, c’est un long processus, selon la condition du bois qu’il faut faire sécher. Certaines pièces prennent trois ou quatre ans à devenir sèches. Ça nous oblige à avoir beaucoup d’espace d’entreposage avec des chambres spéciales (séchoirs), car le bois ne doit pas craquer. »

Si on manipule d’abord du bois chez Guitabec, le bâtiment qui les abrite est emballé entièrement d’aluminium. Celui-ci capte l’attention des visiteurs dans le quartier industriel de la ville aux 3000 habitants et au photogénique pont Mackenzie. Certains apprécieront l’effort environnemental lors de la rénovation de l’usine. À l’intérieur, un circuit de tuyaux d’eau permet de réchauffer la bâtisse l’hiver.

PHOTO ISABELLE MASSÉ, LA PRESSE

Usine de Guitabec, à Richmond

L’espace était autrefois occupé par Chaussures H.H. Brown, qui a fermé ses portes en 2000. « À l’époque, on voulait agrandir l’usine de Princeville, raconte Patrick. Mais le coût était si exorbitant qu’on s’est promenés. On a dans un premier temps acheté une portion du bâtiment de Richmond, pour voir si ça nous convenait. On a mis une option d’achat pour le reste du bâtiment qu’on a loué à d’autres entreprises comme BRP. Mais plus les années avançaient, plus on avait besoin d’espace pour la production. »

Depuis 1988, de McCartney à Cohen

En entrevue, Simon vante les avantages de vivre à Richmond afin de capter l’attention des chercheurs et chercheuses d’emploi : « La qualité de l’air est meilleure, se loger coûte moins cher, dit-il. Le vieillissement de la population joue en notre défaveur. »

L’idée de concevoir des guitares électriques est-elle assez séduisante pour convaincre les gens de déposer leur CV ? Des instruments qui se sont retrouvés entre les mains du guitariste et du bassiste de Metallica, de Paul McCartney, de Leonard Cohen, du guitariste de Billy Idol et combien d’autres ?

Il y a 275 étapes de fabrication pour une guitare acoustique. La moitié moins pour une guitare électrique, mais ça reste très complexe. On a plusieurs ingénieurs qui font la programmation. On les forme.

Simon Godin, copropriétaire de Guitabec

Guitabec fabrique des guitares électriques depuis 1988. En ce moment, l’entreprise agrandit une de ses usines de Princeville et investit dans celle de Richmond, où on fait aussi le découpage du bois et la conception de toutes les pièces des guitares électriques. « On est dans la conception de nouveaux robots de peinture et d’une nouvelle machine à contrôle numérique pour fabriquer des manches », dit Patrick.

Pendant ce temps, Robert, leur père qui a fondé l’entreprise il y a un demi-siècle, se promène dans un véhicule récréatif maquillé aux couleurs des guitares Godin. « Depuis trois ans, il ne vient plus au bureau, raconte Patrick. Il a travaillé toute sa vie. À 73 ans, on ne peut le planter devant la télé. C’est un passionné. Quand on a besoin de conseils, c’est la première personne qu’on appelle. Il ne nous charge pas cher ! »

Guitabec

Richmond

150 employés

150 000 pieds carrés