(Paris) Le constructeur ferroviaire Alstom devrait retrouver « une rentabilité parmi les meilleures du marché » d’ici 2025, une fois qu’il aura digéré Bombardier Transport, son concurrent canadien bien moins rentable acheté fin janvier, a affirmé lundi son PDG Henri Poupart-Lafarge.

« L’intégration de Bombardier se passe extrêmement bien », s’est félicité le PDG lors d’une conférence de presse en ligne, à la veille de la journée investisseurs du groupe.

« Ça va prendre quelques années avant de créer un groupe homogène, mais […] en quelque mois, nous avons réussi à créer un groupe qui marche », a-t-il remarqué.  

Alstom va mettre deux ou trois ans pour « stabiliser le carnet de commandes » hérité de Bombardier, dont de nombreux contrats sont jugés compliqués à honorer et/ou déficitaires, a-t-il noté.  

« Nous avons privilégié la satisfaction des clients », a-t-il expliqué. En France par exemple, la direction d’Alstom s’est un temps opposée à l’exécution du contrat du futur RER B, remporté par un tandem associant Bombardier et l’espagnol CAF, avant de se raviser.

Le carnet de commandes hérité de Bombardier a une marge « de l’ordre de 3/4 % » – quand la marge d’Alstom sur son ancien périmètre était de 8 % en 2020/21 –, avait noté le dirigeant en mai. La direction avait alors passé une provision de 632 millions d’euros pour les risques associés à ces contrats, qui s’ajoute à 451 millions déjà passés en décembre.

« Maintenant, nous allons relancer la machine […] pour livrer à la satisfaction des clients leurs trains », a noté M. Poupart-Lafarge. Cela devrait obliger le groupe à sortir entre 1,6 et 1,9 milliard d’euros d’argent au premier semestre, avec des flux de trésorerie « significativement négatifs » sur l’ensemble de l’exercice 2021/22.

Le groupe agrandi, qui a réalisé un chiffre d’affaires pro forma de 14 milliards d’euros sur son exercice décalé 2020-2021 (clos fin mars) avec un carnet de commandes de 74,5 milliards, est le numéro deux mondial du secteur, derrière le chinois CRRC et assez loin devant Siemens Mobility.

Il devrait dépasser les 6 milliards de prises de commandes sur le seul premier trimestre dont les chiffres seront publiés le 20 juillet, a déjà annoncé M. Poupart-Lafarge.

« Mobilité verte et intelligente »

La progression des ventes d’Alstom devrait selon lui dépasser les 5 % par an en moyenne d’ici 2025, « beaucoup plus vite que le marché » – celui-ci étant attendu à « un peu moins de 3 % ».

Henri Poupart-Lafarge salue « une dynamique sans précédent » du marché, aidée par les différents plans d’investissements post-COVID-19, tant aux États-Unis qu’en Europe, au Canada ou en Inde.

La marge opérationnelle devrait quant à elle atteindre entre 8 et 10 % en 2024/25, « au meilleur niveau de l’industrie ».

Plus généralement, M. Poupart-Lafarge veut faire d’Alstom « le leader de la mobilité verte et intelligente », grâce notamment à un effort soutenu en matière de recherche et développement.

Et de citer le train à hydrogène ou à batteries, les systèmes de signalisation permettant de faire passer davantage de trains sur la même voie, ou des aménagements suscitant le « plaisir » des passagers.

Son plan « Alstom in Motion 2025 » entend mettre l’accent sur la rentabilité et sur la bonne exécution des contrats pour le matériel ferroviaire (actuellement 55 % du chiffre d’affaires).  

Il veut faire du groupe le numéro un mondial de la signalisation ferroviaire (15 %) en exploitant les acquis d’Alstom et Bombardier.  

Enfin, le nouveau plan stratégique veut capitaliser sur les services (22 %), en mettant par exemple l’accent sur la maintenance prédictive.

S’il prévoit toujours 400 millions de synergies avec l’intégration de Bombardier, M. Poupart-Lafarge n’envisage pas de « rationalisation industrielle », mais éventuellement des ajustements au cas par cas.

« Un des enjeux du groupe est plutôt de recruter, plutôt que de supprimer des emplois », a-t-il relevé. Alstom emploie actuellement près de 72 000 personnes, dont 11 500 personnes en France.

Il reste toujours à régler le sort de l’usine de Reichshoffen (Bas-Rhin) qu’Alstom s’est engagée à céder pour obtenir le feu vert de Bruxelles au rachat de Bombardier. Le groupe est toujours en négociation avec le tchèque Skoda Transportation, mais « ça prend du temps », selon M. Poupart-Lafarge.