(Londres) Dans la foulée de BP et des majors américaines, le géant des hydrocarbures Royal Dutch Shell a dévoilé jeudi une perte massive de 21,7 milliards de dollars pour l’an dernier, illustrant l’ampleur du choc de la pandémie sur le marché pétrolier.

Des chiffres vertigineux et quasiment jamais vus, loin des dizaines de milliards de profits auxquels les majors avaient habitué les investisseurs ces dernières années.

BP, le concurrent britannique de Shell, avait déjà révélé mardi une perte de 20,3 milliards de dollars.

L’américain ExxonMobil a enregistré lui la première perte annuelle de son histoire récente à 22,4 milliards de dollars. Toujours aux États-Unis, la perte de Chevron a atteint 5,5 milliards de dollars.  

Le français Total doit lui publier ses résultats la semaine prochaine.

L’ensemble du secteur a été touché de plein fouet par l’effondrement brutal de la consommation de pétrole et de gaz à cause de la pandémie de COVID-19 qui a paralysé l’économie mondiale pendant une grande partie de l’année, avec une demande qui devrait rester déprimée pour longtemps.

Dans la foulée des premiers confinements au printemps, les cours pétroliers sont tombés à des plus bas jamais vu et même brièvement en territoire négatif début avril.

Ils ont repris de la vigueur depuis l’automne, remontant désormais près des 60 dollars.

Les grands groupes pétroliers « doivent se restructurer pour faire face à un monde où la demande baisse, tout en s’adaptant » à la transition énergétique, surtout chez les majors européennes, souligne Michael Hewson, analyste chez CMC Markets.

Shell avait réalisé un bénéfice net de 15,8 milliards de dollars en 2019 avant l’apparition de la crise sanitaire, rappelle-t-il dans un communiqué.

Les comptes de Shell ont souffert surtout au deuxième trimestre avec des dépréciations d’actifs colossales afin de refléter l’état du marché, ce qui avait occasionné une perte de plus de 18 milliards de dollars.

Il est revenu dans le vert au troisième trimestre, mais a replongé au quatrième trimestre avec une perte de 4 milliards de dollars, là encore en raison de dépréciations.

Actionnaires choyés

Le groupe reste très prudent pour le début de 2021. « Nous sommes encore à entre 5 et 7 % d’où nous étions en 2019 » concernant la demande de pétrole, a estimé son directeur général Ben van Beurden.

« Nous pensons que nous verrons une forte reprise au second semestre et qu’il y aura une sorte de retour à la normale en 2022 », a-t-il ajouté.

Shell prévoit par ailleurs une hausse de son dividende au premier trimestre par rapport au quatrième trimestre de 2020. Il avait au plus fort de la crise sanitaire décidé de le réduire pour la première fois depuis les années 40.  

Shell a amorcé une profonde restructuration qui doit lui permettre de rester rentable avec des cours plus faibles et de remplir son objectif de « verdir » ses activités.

Cela passe par la suppression de 7000 à 9000 postes d’ici 2022.

Le groupe a pris « des décisions difficiles, mais décisives », a souligné Ben van Beurden, cité dans le communiqué.

Shell s’est donné pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, tout comme BP.

Ce dernier a annoncé d’ailleurs une collaboration avec son partenaire russe Rosneft pour diminuer leur empreinte carbone, ce qui n’a pas convaincu l’ONG Greenpeace qui exige plutôt une baisse de la production.

Shell compte lui investir 2 à 3 milliards de dollars par an, soit autour de 10 % du total de ses investissements, pour la période 2021-2025 dans les énergies propres ou à faible empreinte carbone.

Le groupe a comme objectif ambitieux, énoncé avant la crise sanitaire, de devenir la plus grande compagnie au monde du secteur au début des années 2030.

Le patron de Shell a enfin salué les engagements climatiques du nouveau président américain Joe Biden.

« Nous avons hâte de travailler avec l’administration parce que nous avons le même objectif, d’être neutres en carbone d’ici 2050 ».

Les États-Unis ont en particulier annoncé une pause sur l’octroi de nouvelles concessions pour des forages pétroliers et gaziers sur les terres et les eaux fédérales.

« Nous ne sommes pas affectés à ce stade », a précisé M. van Beurden. Il estime toutefois que cette pause « n’est pas nécessairement la bonne solution », soulignant qu’elle ne fera que renforcer les importations de brut sur le territoire américain pour répondre à la demande.