Après avoir perdu 95 % de ses ventes du jour au lendemain, l’usine de repas d’avion Fleury Michon ne cache pas qu’elle cherche de nouveaux clients. En plus d’avoir contacté les supermarchés, et trouvé des débouchés inattendus pour vider ses congélateurs, l’entreprise de Rigaud vient de lancer un site web pour vendre ses mets directement aux consommateurs.

La situation est pour le moins paradoxale.

Pendant des années, Fleury Michon était incapable de répondre à la demande des compagnies aériennes. La progression du trafic aérien était tout simplement trop forte pour que l’usine puisse suivre la cadence. À la blague, on est allés jusqu’à envisager la construction de logements autour de l’usine pour attirer des travailleurs tant il en manquait.

À contrecœur, Fleury Michon a fini par laisser tomber des clients et s’est retirée du marché de détail, en 2017, se privant ainsi de revenus annuels de 15 millions. Fini les petits plats de la marque du même nom dans les épiceries (sauf chez Costco, essentiellement). Fini les marques privées comme Nos Compliments (IGA) et Kilo Solution (Isabelle Huot). L’entreprise a décidé de se concentrer sur les repas surgelés servis dans les avions.

Avec la pandémie et les avions cloués au sol, cette spécialisation a été dévastatrice.

PHOTO FOURNIE PAR JEAN ALLARD

Jean Allard, président et directeur général de Fleury Michon Amérique

Dans tous les plans de contingence, jamais tu ne penses que tu peux perdre 95 % de ta business en 24 heures.

Jean Allard, président et directeur général de Fleury Michon

L’entreprise s’estimait bien diversifiée, car ses clients se trouvaient un peu partout dans le monde. Mais le virus les a évidemment tous frappés.

L’usine, qui concoctait 55 000 repas d’avion par semaine pour Air Transat, Air Canada, British Airways, KLM et Air France, notamment, a dû mettre à pied la majorité de ses 450 employés. Et revoir sa prévision de croissance, établie à 20 %.

Des stratégies pour vider les congélateurs

Ses congélateurs contenaient alors 3 millions de portions de poulet au cari, de raviolis et de chili dont plus personne, ou presque, ne voulait.

Ce nombre est « tranquillement en train de diminuer ». L’usine de Rigaud a recommencé à recevoir des commandes de lignes aériennes. En outre, elle vend ses plats à des organismes de charité « à des prix inférieurs aux coûts de production » et en donne à ses employés.

« Nous sommes toujours en recherche de clients pour une partie de notre surplus d’inventaire », fait savoir M. Allard, qui occupe son poste actuel depuis janvier.

À l’instar du transformateur Saputo, par exemple, Fleury Michon a lancé une boutique en ligne dont la promotion s’est notamment faite sur le site de consultation des circulaires reebee.

La nouvelle plateforme web permet aux Québécois et aux Ontariens d’acheter certains des repas qui étaient destinés à être savourés à 30 000 pieds dans les airs, ainsi que des plats familiaux (1 ou 1,5 kg).

Pour les portions individuelles, il faut généralement débourser autour de 7 $, et environ 18 $ pour les grandes barquettes.

Vu la diversité de compagnies aériennes qui s’approvisionnent à Rigaud, le menu est varié : agneau avec sauce au cari rouge, salade asiatique, medaglioni avec sauce aux trois fromages et même… des déjeuners ! Gaufres, pain doré, casseroles d’œufs brouillés s’ajoutent aux plats végétariens et végétaliens.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE FLEURY MICHON

Quelques exemples de plats offerts dans la boutique en ligne de l’entreprise

La diversification : « une question de survie »

Et pour garder ses précieux travailleurs et rester en affaires, Fleury Michon veut retourner dans les supermarchés. « On cherche beaucoup de business, on a de la capacité pour produire des plats. On essaie de passer le mot. […] On a diversifié nos opérations. C’est une question de survie », confie Jean Allard en ajoutant que des soumissions ont été envoyées à tous les grands détaillants du Canada.

L’usine produit actuellement 10 % de son volume prépandémie.

Pour le moment, des plats cuisinés par Fleury Michon sont offerts chez Super C et quelques Metro sous la marque Buon Appetito. Une autre grande chaîne, nous annonce le dirigeant, prépare un important lancement « en décembre ou janvier ».

Dans toute cette histoire, l’entreprise a évidemment appris quelques leçons. « On ne va jamais revenir à 100 % compagnies aériennes. On va garder un équilibre. On ne veut pas revivre ça. On va toujours faire de la nourriture d’avion, des plats pour la vente au détail et de la vente en ligne », soutient Jean Allard.

Le PDG ne s’attend pas à ce que le volume normal revienne avant un bon bout de temps. Car même si les vols reprennent, plusieurs compagnies aériennes décident de ne pas servir de repas. Et, ajoute-t-il, les réunions virtuelles risquent fort de remplacer bon nombre de voyages d’affaires.

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