(Montréal) Après une hausse marquée de l’achalandage dans ses succursales à la mi-mars alors qu’étaient déployées les mesures de confinement en raison de la pandémie de COVID-19, la Société des alcools du Québec (SAQ) a vu ses ventes en ligne « exploser » d’environ 200 %, un phénomène qui obligera la société d’État à s’adapter plus rapidement aux nouvelles habitudes des consommateurs.

Habituellement, les ventes effectuées sur le web représentent, sur une base annualisée, environ 2 % du chiffre d’affaires de la SAQ — qui a été de 1,22 milliard l’an dernier — et la grande majorité des commandes sont livrées en succursale, étant donné que plusieurs optent pour le service « cliquez, achetez, ramassez » offert depuis 2015.

Le nouveau coronavirus est toutefois venu tout changer et a incité 70 % des consommateurs à opter pour la livraison à domicile, a expliqué mardi la présidente et chef de la direction de la société d’État, Catherine Dagenais, dans le cadre d’une conférence virtuelle organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM).

« Est-ce que l’on va garder 100 % (du portrait actuel) ? Je ne le sais pas, a-t-elle par la suite expliqué, au cours d’une entrevue téléphonique avec La Presse canadienne. Mais cela transforme ce que l’on va vivre dans les prochains mois. Il faut faire attention pour ne pas prendre uniquement des décisions en tenant compte d’une situation momentanée. »

Rapidement, la SAQ n’a plus été en mesure de respecter le délai habituel de livraison oscillant entre trois et cinq jours. L’attente oscille maintenant entre cinq et sept jours, et des frais de 12 $ — qui sont remis aux Banques alimentaires du Québec — sont exigés. La SAQ a également diminué le nombre de produits offerts en ligne à un peu plus de 500, alors que c’était aux alentours de 4000 auparavant.

Selon Mme Dagenais, les principaux défis de la société d’État en matière de commerce électronique résident dans la rapidité à préparer les commandes et à bonifier l’éventail de produits offerts. Il faudra voir si la demande pour la livraison à domicile se maintient.

« Pour le client, se faire livrer à domicile, ça va bien quand il est sur place, a-t-elle fait remarquer. Mais quand il va retourner au travail, ça va être différent, parce que ses enfants ne pourront par exemple pas recevoir la commande puisqu’il faut une preuve d’identité. Ce n’est pas comme (commander) une paire de chaussures. »

Précisions à venir

Figurant sur la liste des services jugés essentiels par le gouvernement Legault, la société d’État a pu poursuivre ses activités depuis le début de la pandémie et s’attend même à verser un dividende supérieur à celui de 1,2 milliard attendu par le gouvernement pour l’exercice terminé le 31 mars dernier.

Alors que ses succursales sont fermées le dimanche et que l’achalandage de la clientèle est bien plus contrôlé qu’à l’habitude, Mme Dagenais n’a pas voulu s’avancer sur la cible de dividende de 1,25 milliard fixée par Québec dans le dernier budget pour l’année financière en cours même si les revenus sont « quand même au rendez-vous ».

La SAQ a absorbé la hausse des prix qui aurait dû être observée ce mois-ci en raison d’une hausse de droits d’accise et des taux de change, alors que l’euro et le dollar américain s’apprécient par rapport au huard. Un ajustement risque de s’effectuer d’ici la fin de l’été.

De plus, la hausse des ventes en ligne n’a pas permis d’absorber complètement le vide laissé par la fermeture des bars et des restaurants.

« Depuis que la SAQ figure dans la liste des services prioritaires, il y a un comportement du client qui s’est installé. Les ventes augmentent en succursale et en épiceries, mais c’est à plat dans la restauration. On ne comble pas entièrement le manque à gagner, mais il est trop tôt pour le chiffrer. »

Selon Mme Dagenais, la SAQ devrait savoir vers la fin mai si elle sera en mesure ou pas de verser la somme attendue dans les coffres de l’État.