« D’ici deux ans, on va approcher les 40 millions de dollars au niveau des ventes grâce au secteur du médical », lance Normand Mercier, vice-président aux ventes chez Plastiques Moore. Lorsque la pandémie est arrivée, plusieurs de leurs clients ont dû cesser leurs activités. Mais le secteur médical continuait les siennes, voire, les augmentait.

Par exemple, un de leurs clients commande annuellement 300 000 unités. L’an prochain, cette commande passera à 5 millions d’unités.

Le volet médical représente aujourd’hui 20 % du chiffre d’affaires de Plastiques Moore, une entreprise spécialisée dans la conception de pièces de plastique par injection. Or, M. Mercier croit qu’il atteindra 30 à 40 % en 2021, et 50 % en 2022. « Malgré la pandémie, on a des nouveaux clients et certains contrats ont été renouvelés. »

Il faut toutefois souligner que l’entreprise se démarque de ses concurrents grâce à ses équipements à la fine pointe de la technologie. Plastiques Moore peut se vanter d’être le seul mouleur au Québec à détenir trois salles blanches avec murs rigides pour y faire les assemblages de pièces médicales. Des salles qui maintiennent le ratio de particules de poussière dans l’air, en la filtrant six fois par heure. « C’est une nécessité dans le domaine du médical. »

S’ajoutent à cela 13 cellules robotisées qui trient, alignent, injectent, inspectent et emballent. Un incontournable dans le médical, où il faut « minimiser la manipulation des pièces et les déplacements ».

PHOTO FRÉDÉRIC MATTE, LE SOLEIL

L’entreprise conçoit aussi des pièces pour les secteurs de l’automobile et de l’électroménager, comme des filtres pour laveuse/sécheuse ou des phares pour les véhicules. Une diversification qui lui aura permis de garder la tête hors de l’eau avec la pandémie. « Ça nous sécurise de faire affaire avec différents marchés. »

Contrer la pandémie

En juillet, l’Agence de santé publique du Canada octroyait à Plastiques Moore un contrat pour travailler sur deux projets distincts. Ces projets ont pour objectif la fabrication de composantes pour les tests sérologiques visant à détecter la COVID-19.

Pendant tout l’automne, Plastiques Moore a développé des moules en collaboration avec ses fabricants d’outillage. Une tâche qui requiert normalement entre 10 et 20 semaines, dépendamment de la complexité de la pièce.

PHOTO FRÉDÉRIC MATTE, LE SOLEIL

Comme une des composantes du premier projet requérait un outillage moins complexe, elle a été développée en cinq semaines. « C’est vraiment un record pour une pièce », considère M. Mercier.

Les autres pièces ont nécessité trois mois pour la conception des moules, les tests, les vérifications, et finalement, l’approbation, reçue début décembre. Quant au deuxième projet, il devrait débuter en janvier.

Ces deux projets combinés, plus de cinq millions de composantes seront produites dans l’usine de Saint-Damien-de-Buckland.

Ce contrat du fédéral est d’une valeur de 12 millions de dollars, mais cela exclut les 2,8 millions qu’a dû débourser l’entreprise pour l’acquisition de nouveaux équipements afin de remplir son mandat : équipements d’injection, d’assemblage, d’étiquetage, d’emballage, refroidisseurs, robots, en plus de la création d’une troisième salle blanche.

La fabrication de masques N95 et de supports de visière a aussi été à l’agenda de Plastiques Moore. À plus petite échelle, cela dit.

En septembre, l’entreprise obtenait un contrat d’une compagnie canadienne pour fabriquer les supports en plastique tenant le plexiglas sur les visières de protection. Un contrat qui lui a permis de fabriquer 600 000 supports au total.

L’entreprise a aussi fabriqué un millier de masques N95 grâce à un contrat octroyé par un de ses clients dans le secteur de l’automobile. Des masques composés de filtres rigides, principalement destinés aux employés. Or, l’initiative s’est arrêtée, puisque les gens ont commencé à porter des masques flexibles. « Il y a eu beaucoup de changements depuis mars, les gens ne savaient pas comment se protéger de la COVID-19. »

Des granules aux composantes

Marie-Claude Guillemette, désormais présidente, et sa mère, Judith Moore, sont à l’origine de Plastiques Moore, fondé en 1991. D’abord installée dans les locaux de l’incubateur d’entreprises de Saint-Damien, l’entreprise a déménagé dans sa propre bâtisse en 1993.

M. Mercier est arrivé dans l’entreprise en 2003 et a racheté les parts de Judith Moore avec un autre actionnaire.

Le procédé prôné par Plastiques Moore est plus ou moins simple, mais requiert expertise et précision, estime-t-il.

Plastiques Moore reçoit les granules de plastique qu’ils introduisent dans une machine pour les fondre et les transformer en liquide, lequel sera ensuite injecté sous pression à travers des conduits dans un moule. La matière répartie, elle sera refroidie puis extraite du moule.

PHOTO FRÉDÉRIC MATTE, LE SOLEIL

Le plus difficile dans ce procédé, estime M. Mercier, c’est la conception du moule. Une tâche qui requiert plusieurs mois, du design de la pièce à la fabrication du moule.

Or, depuis 2003, Plastiques Moore travaille en partenariat avec le Conseil national de recherches du Canada et une compagnie de Québec pour développer une matière compostable, dont les caractéristiques s’apparentent à celles du plastique.

Car les dirigeants sont conscients que le plastique est un matériel mal-aimé pour des raisons environnementales, même si les pièces produites par Plastiques Moore sont recyclables, précise M. Mercier.

En 2006, l’entreprise a fabriqué un contenant composé à 100 % de matières compostables. Dans le cadre d’un projet, 3000 arbustes avaient été plantés dans le Parc national de la Mauricie à l’aide de ce contenant pouvant contenir 250 ml de terre.

Prochaines étapes : l’étude de la transformation et l’utilisation de cette matière biocompostable, et éventuellement, sa commercialisation. « Les coûts des matériaux sont trop dispendieux pour le moment, donc il n’est pas encore commercialisable, mais il y a beaucoup d’avancement. On s’en va de plus en plus vers ça », assure M. Mercier.

Au sud de la frontière

Déjà en 2009, ils concluaient un partenariat avec une usine au Mexique. Un pays où environ le quart de leurs 25 millions de chiffre d’affaires est destiné.

Dans les prochaines années, le vice-président aux ventes espère ouvrir une usine aux États-Unis afin de se rapprocher des clients. Car le secteur du plastique est un marché de proximité, lance-t-il.

« Transporter du plastique, c’est comme transporter de l’air, illustre-t-il. Comme le plastique n’a pas une grande densité, les coûts sont significatifs. Il n’est pas lourd ni encombrant, et chaque pièce doit être emballée de façon à ne pas se toucher. »

Le Buy American Act, une loi américaine pour encourager l’achat de produits des États-Unis, demeure aussi une source de crainte.

Car le mouvement d’achat local dépasse les frontières selon lui. « Les Américains et les Mexicains veulent faire travailler des gens de chez eux. »

Et en raison de la pandémie, le désir d’autosuffisance s’est accéléré. « On s’est rendu compte que les approvisionnements à l’étranger nous rendent vulnérables. Tous les produits qu’on fabrique avec le contrat du fédéral, ils étaient produits dans d’autres pays avant. Quand tu achètes local, que ce soit au niveau d’un village, d’une province ou d’un pays, c’est toujours bénéfique. J’espère que ça va se maintenir. Il faut que ça reste », conclut-il.