Initiative exceptionnelle de la part de l’Autorité des marchés financiers (AMF), hier après-midi. Le gendarme boursier québécois a tenu une conférence téléphonique d’une trentaine de minutes avec 200 participants, essentiellement des investisseurs frustrés par le plan de recapitalisation de Prometic, une société biopharmaceutique de Laval.

Prometic a présenté à la mi-avril un plan incluant la conversion en actions de quelque 230 millions de dollars de dette envers son plus important créancier — la société de placement de la famille Thomson — et une importante émission d’actions au prix unitaire de 1,5 cent.

La restructuration donne le contrôle d’environ 80 % des actions à la famille Thomson, dont la participation en actions s’élevait précédemment à 3 %, diluant massivement au passage les petits actionnaires. Prometic a demandé et obtenu de la Bourse de Toronto la dispense de l’obligation de faire approuver son plan par les actionnaires, « étant donné que l’entreprise connaît de graves difficultés financières ».

Plusieurs plaintes

« L’AMF a reçu plus d’une centaine de correspondances contenant des allégations qui nous ont interpellés », a dit hier le directeur du financement des sociétés à l’AMF, Patrick Théorêt, durant la téléconférence. « Nous comprenons que les opérations de refinancement sont hautement dilutives pour les actionnaires actuels », a-t-il mentionné.

« Nous avons posé des questions à la direction de Prometic et exigé des documents supplémentaires afin d’avoir la meilleure perspective possible de ce dossier. » — Sylvain Théberge, responsable des affaires publiques à l’AMF

Patrick Théorêt a précisé que s’il y avait eu contravention à la réglementation ou un usage abusif d’une dispense statutaire, l’AMF prendrait les mesures qui s’imposent dans les circonstances.

Que peut faire l’AMF?

Ces mesures peuvent être de nature variée. « L’AMF peut imposer des sanctions ou prendre des recours civils ou pénaux. Elle peut aussi faire une demande auprès du Tribunal administratif des marchés financiers pour enjoindre à un émetteur de poser certains gestes », dit Patrick Théorêt.

L’objectif de l’appel — qui ne permettait par ailleurs pas aux participants de poser des questions — était d’abord d’expliquer aux petits investisseurs le contexte réglementaire dans lequel évolue l’AMF, les pouvoirs d’intervention de l’organisme ainsi que des éléments qui vont guider l’AMF dans son analyse.

« Les préoccupations que vous nous avez exprimées au cours des derniers jours dans le dossier Prometic sont bien retenues par le régulateur et nous entendons en faire une analyse rigoureuse », a promis Sylvain Théberge.

Récolte de renseignements

L’AMF a aussi lancé des invitations individuelles à quelques petits actionnaires pour échanger avec eux, et certaines de ces rencontres ont déjà eu lieu.

Daniel Lefebvre, un actionnaire, dit avoir participé, lundi, à un échange privé de près de deux heures dans les bureaux de l’AMF à Montréal.

Il a aussi participé à la téléconférence d’hier et dit apprécier les démarches de l’AMF. « Je les sens très attentifs et curieux. Je sens qu’ils vont aller au fond des choses », dit-il.

Cet investisseur aimerait ultimement que l’AMF prenne le contrôle administratif de Prometic. « Les administrateurs n’ont plus la légitimité avec les gestes qui ont été posés. Cette restructuration n’a aucune espèce d’allure. Elle me lèse et lèse tous les autres investisseurs de façon horrible. »