À l'instar d'autres entreprises du secteur, le Groupe Jean Coutu continue de nager dans l'inconnu en raison des changements réglementaires que souhaite introduire le gouvernement Couillard ainsi que de sa dispute avec les pharmaciens propriétaires.

«C'est un peu déstabilisant pour tous ceux qui oeuvrent dans l'industrie, a commenté mercredi son président et chef de la direction, François Coutu, au cours d'un entretien téléphonique en marge de la divulgation des résultats du deuxième trimestre de l'entreprise. Tout le monde est un peu sur les lignes de côté, car on ignore ce qui va se passer.»

L'Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) s'est récemment tournée vers l'arbitrage pour dénouer l'impasse parce qu'elle reproche à Québec d'avoir réduit de 133 millions $ par année les honoraires de ses membres en déplafonnant progressivement, plutôt que totalement, le pourcentage de leurs allocations professionnelles.

Il s'agit de ristournes versées aux pharmaciens propriétaires par les compagnies pharmaceutiques à l'achat de médicaments.

L'AQPP soutient que ce manque à gagner a mené à une perte de 1000 emplois en pharmacie, dont 300 emplois de pharmaciens, et de 3500 heures d'ouverture de pharmacies à travers la province.

«Pour l'instant, ça ne va pas si mal, mais on ignore ce qui s'en vient, a expliqué M. Coutu. Les pharmaciens propriétaires sont pris en souricière. Ils ne peuvent pas augmenter leurs revenus.»

Jean Coutu, qui exploite le fabricant de médicaments génériques Pro Doc, a déjà admis dans le passé que ces changements nuiraient à sa filiale. Au deuxième trimestre, l'impact négatif a été évalué à 5 millions $.

Le grand patron de l'exploitant de pharmacies s'est également montré exaspéré à l'égard du projet de loi 81 devant permettre au gouvernement du Québec de lancer des appels d'offres pour l'achat de médicaments génériques afin d'obtenir de meilleurs prix - ce qui devrait accroître la pression sur Pro Doc.

S'il n'est pas contre le changement, M. Coutu a déploré un «manque de vision» de la part des autorités gouvernementales, ce qui, à son avis, pourrait finir par compromettre l'approvisionnement en médicaments.

«Avec les appels d'offres, le gouvernement reprend toute la responsabilité en réduisant le nombre de fournisseurs. Il ne pourra plus s'appuyer sur les pharmaciens, qui peuvent actuellement acheter leurs médicaments de façon indépendante», a-t-il dit.

«S'il y a des pénuries, ça sera de la faute du gouvernement. D'un point de vue politique, est-ce une bonne chose? Je ne le sais pas», a-t-il ajouté.

M. Coutu espère que Québec ouvrira davantage son jeu dans ce dossier d'ici le temps des Fêtes.

Quant à sa performance au deuxième trimestre terminé le 27 août, Jean Coutu a répondu aux attentes des analystes malgré un léger recul de ses profits.

L'entreprise a engrangé un bénéfice net de 51,5 millions $, ou 28 cents par action, comparativement à 53,8 millions $, ou 29 cents par action, il y a un an. Ses recettes ont affiché une progression de 2,1 pour cent pour s'établir à 701,2 millions $.

Les analystes sondés par Thomson Reuters tablaient en moyenne sur un profit par action de 26 cents et sur un chiffre d'affaires de 642,6 millions $.

Cette performance s'est reflétée sur le cours de l'action à la Bourse de Toronto, qui a clôturé à 19,97 $, en hausse de 73 cents, ou 3,79 pour cent.

Le recul des profits s'explique en partie par le déménagement des bureaux administratifs et du centre de distribution de la société à Varennes, en banlieue sud de Montréal, qui prend un peu plus de temps que prévu.

«Initialement, cela devait être terminé à la fin de l'été, mais cela ira à la fin de notre année financière en février», a dit M. Coutu. Nous avons ralenti la cadence pour nous assurer que le service demeure au même niveau dans nos pharmacies.»

Pour leur part, les ventes au détail des établissements ouverts depuis au moins un an - un indicateur clé dans le secteur -  ont grimpé de deux pour cent par rapport au deuxième trimestre de l'exercice précédent. Celles de la section pharmaceutique ont augmenté de 0,8 pour cent, alors que du côté commercial, la croissance a été de 4,5 pour cent.