Le laboratoire pharmaceutique Pfizer a dépassé les attentes en 2015, grâce à de solides ventes de ses anti-cancéreux et de ses vaccins dont la hausse des prix est dénoncée par des ONG dont Médecins Sans Frontières (MSF).

Le géant américain a prévenu qu'il allait être affecté en 2016 par le dollar fort et des pertes de brevets sur certains médicaments vedettes qui vont amputer ses revenus de 4,6 milliards de dollars.

Le bénéfice net a plongé de 15,2% à 7,75 milliards de dollars l'an dernier, selon des résultats publiés mardi. Au quatrième trimestre, le profit a été divisé par plus de deux à 613 millions de dollars.

Le chiffre d'affaires du numéro un américain de la pharmacie est ressorti meilleur que prévu aussi bien sur l'ensemble de l'exercice que sur les trois derniers mois de 2015.

Les revenus annuels de 48,85 milliards (-1,52%) et trimestriels de 14,05 milliards (+7,05%) sont au-dessus des 48,36 milliards et 13,56 milliards espérés par les marchés.

Pfizer a profité de l'intégration d'Hospira, spécialiste des perfusions et de médicaments biosimilaires qui sont des génériques spécifiques pour les traitements issus des biotechnologies.

Experts et marchés estiment que cette prise va permettre au groupe américain d'assurer à moyen terme la croissance de ses produits matures, affectés par l'expiration des brevets.

En 2015, les revenus générés par les «vieux» médicaments ont reculé de 14,2% à 21,6 milliards de dollars mais la baisse est limitée à 2,23% au quatrième trimestre, période prenant en compte la performance d'Hospira.

Le chiffre d'affaires de la branche regroupant les médicaments dits innovants a bondi de 11,5% à 26,76 milliards de dollars. Cette dernière division comprend les traitements contre les cancers dont Ibrance (cancer du sein métastatique, annoncé comme un blockbuster) et les très lucratifs vaccins de la famille Prevnar contre les infections invasives telle la pneumonie.

Prix élevés 

Cette hausse spectaculaire vaut à Pfizer d'être l'objet de critiques d'ONG, qui dénoncent depuis des mois les augmentations vertigineuses des prix de médicaments par l'industrie pharmaceutique.

La branche américaine de MSF fustige notamment les prix des vaccins contre la pneumonie qui tue, selon elle, environ 1 million d'enfants de moins de 5 ans par an dans les pays en développement.

«Pfizer continue à appliquer des prix élevés sur des vaccins contre la pneumonie dont ne peuvent s'acquitter de nombreux gouvernements ni des organisations humanitaires», fustige MSF dans un communiqué. Aujourd'hui, vacciner un enfant contre la pneumonie coûte 68 fois plus cher qu'en 2001, affirme l'ONG.

Selon le comparateur de prix DRX, Pfizer a augmenté d'environ 12% les prix de vingt-quatre médicaments sur les deux derniers mois. La hausse a même été de 44 à 86% pour certains médicaments cardiovasculaires.

Le groupe s'est toujours défendu en expliquant que les prix généralement disponibles ne prennent pas en compte les rabais qu'il consent souvent aux autorités publiques et autres associations à caractère humanitaire.

Pour 2016, Pfizer a livré des prévisions prudentes, en raison du dollar fort rognant ses ventes réalisées à l'étranger (-2,3 milliards de dollars) et de la fin de l'exclusivité sur certains médicaments (-2,3 milliards de dollars).

Le chiffre d'affaires devrait ainsi être compris dans une fourchette de 49 à 51 milliards de dollars pour un bénéfice par action de 2,20 à 2,30 dollars. Les analystes anticipent, eux, pour le moment 52,49 milliards de dollars pour le chiffre d'affaires et 2,36 dollars pour ce qui est du bénéfice par action.

En revanche, ce qui ne change pas c'est la montée en puissance de traitements comme Xalkori (cancer du poumon), Palbociclib (cancer du sein), Lyrica (antalgique, contre l'épilepsie notamment), l'anticoagulant Eliquis et le Xeljanz (traitement contre l'arthrite rhumatoïde).

Les prévisions 2016 ne prennent pas en compte l'intégration d'Allergan, le spécialiste du Botox racheté pour 160 milliards de dollars en novembre.

«Nous espérons toujours finaliser la fusion avec Allergan au cours du second semestre», a répété mardi Ian Read, le PDG de Pfizer, soulignant que cette opération allait gonfler le portefeuille avec des produits dermatologiques, les traitements dans l'esthétique médicale, et les traitements ophtalmologiques (médicaments contre le glaucome, la sécheresse oculaire, maladies de la rétine) et contre les troubles gastroentériques (incontinence ...).

Allergan devrait aussi permettre à Pfizer de se redomicilier en Irlande, où il paiera moins d'impôts: entre 17 et 18% contre un taux à 26,5% actuellement. Cet exil fiscal est baptisé «Tax inversion» et est dans la ligne de mire des autorités américaines.