La Banque du Canada laisse son taux directeur inchangé à 5 %, une décision qui confirme pour la première fois que les hausses sont terminées et qui ouvre la porte à une baisse des taux.

La référence à une nouvelle hausse de taux, si nécessaire, présente dans le message de la Banque du Canada depuis 2022, avait disparu du message de la Banque du Canada mercredi, ce qui est un changement de ton important.

« Comme la demande globale ne dépasse plus l’offre, les discussions de politique monétaire du Conseil de direction se réorientent : la question n’est plus tellement de voir si le taux directeur est assez restrictif pour rétablir la stabilité des prix, mais plutôt combien de temps il faudra le maintenir au niveau actuel », dit le gouverneur Tiff Macklem dans son message.

Par contre, ceux qui attendent impatiemment ne doivent pas se réjouir trop vite. « Ce n’est pas le moment de changer de cap », a insisté le gouverneur.

En conférence de presse, Tiff Macklem a dit qu’il était « prématuré » de commencer à penser à des baisses de taux. « Les Canadiens veulent que les prix baissent et que les taux baissent. Nous aussi. Mais nous devons voir plus de progrès [sur le front de l’inflation] avant de discuter de cette possibilité ».

« Il faut laisser aux taux plus élevés le temps d’avoir leurs effets », a dit le gouverneur, qui n’écarte pas complètement la possibilité de relever le taux directeur si l’inflation repart à la hausse.

À 3,4 %, l’inflation reste trop élevée, selon la Banque du Canada, qui souligne que le manque de logements fait obstacle à la baisse de l’inflation. Les prix des logements et des aliments augmentent encore trop vite. Les attentes d’inflation et la croissance des salaires nuisent aussi. Le retour à la cible de 2 % sera lent, prévoit-elle.

Avril ou juin ?

Malgré tous les bémols mis par le gouverneur, la plupart des économistes maintiennent leurs prévisions d’une baisse du taux directeur dans la première moitié de l’année, en avril ou en juin.

La détérioration rapide de l’économie canadienne pourrait forcer la banque centrale à baisser son taux plus tôt que tard, estime Jocelyn Paquet, économiste de la Banque Nationale. Elle n’attendra pas que l’inflation soit revenue à la cible de 2 % avant d’entamer le mouvement de baisse.

Dans le rapport sur la politique monétaire qui accompagne sa décision sur les taux, la Banque du Canada maintient ses prévisions sur l’évolution de l’économie canadienne. La croissance sera faible jusqu’à la moitié de l’année et devrait s’accélérer ensuite pour atteindre 2,5 % en 2025, prévoit-elle. Si l’économie évolue comme elle le prévoit, le conseil de direction de la banque centrale discutera maintenant de « la durée pour laquelle nous garderons le taux directeur à 5 % », a fait savoir le gouverneur.

Les prévisions du Rapport sur la politique monétaire, publié en même temps que la décision sur les taux, sont jugées trop optimistes par beaucoup d’économistes. « Les renouvellements hypothécaires qui continuent de s’effectuer à des taux d’intérêt plus élevés, le ralentissement de la croissance démographique et le remboursement des prêts du CUEC [Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes] assombriront encore davantage des perspectives déjà peu reluisantes », estime Randall Bartlett, directeur principal, économie canadienne, chez Desjardins.

Une phase difficile

La Banque du Canada ne veut parler ni de récession ni d’atterrissage en douceur pour l’économie canadienne. « Nous sommes dans une phase difficile du cycle économique », a indiqué le gouverneur.

Chez Desjardins comme à la Banque Nationale, on est d’avis que le Canada ne peut pas échapper à une récession, comme semble le croire la Banque du Canada. « Si la banque centrale tient à ramener l’inflation globale à la cible de 2 %, ça ne peut pas se faire sans récession, en raison de la hausse du coût du logement, qui ne relève pas de la politique monétaire », estime Jocelyn Paquet.

Il relève que la banque elle-même prévoit que 50 % de l’inflation au cours des deux prochaines années sera attribuable au logement (28 % du panier de l’Indice des prix à la consommation).

La hausse des taux d’intérêt fait augmenter le coût du logement, mais c’est surtout la pénurie de logements qui fait grimper les prix, « un problème qui relève du politique », explique-t-il.

Il n’est pas question pour la banque centrale de s’avancer sur un niveau d’inflation à partir duquel des baisses de taux seraient envisageables. En réponse aux questions des journalistes, le gouverneur a reconnu que les taux d’intérêt élevés alimentaient l’inflation dans le secteur du logement. Il a répété que la politique monétaire s’applique à toute l’économie, pas au seul secteur du logement, et que les prix de plusieurs biens et services sont encore trop élevés.

Le taux d’inflation restera autour de 3 % pour la première moitié de l’année, selon la banque, et reculera à 2,5 % à la fin de 2024. Le retour à la cible de 2 % est prévu pour 2025.

Il y a encore beaucoup de risque que l’inflation reparte à la hausse. Une augmentation des dépenses gouvernementales pour soutenir l’économie fait partie de ces risques, a fait savoir le gouverneur. De même, les entraves au transport des marchandises par le canal de Suez et le canal de Panamá pourraient augmenter le prix de certains produits. Des risques de hausse du prix du pétrole existent aussi si la guerre entre Israël et le Hamas se poursuit.