L’inflation a reculé à peu près partout dans le monde, assez pour que les banques centrales rangent leurs armes et se préparent à célébrer leur victoire en réduisant les taux d’intérêt.

La résurgence de l’inflation devait être transitoire. C’est du moins ce que croyaient les principales banques centrales et bon nombre d’économistes. Le temps que les chaînes d’approvisionnement mondiales paralysées par la pandémie retrouvent leur rythme normal, et les prix qui s’envolaient redescendraient assez rapidement sur terre.

Ce n’est pas ce qui s’est produit, en partie parce que la guerre en Ukraine a fait flamber les prix des céréales et de l’énergie, qui se sont répercutés sur une multitude de produits, et aussi parce que la générosité des mesures gouvernementales pour atténuer l’impact de la crise sanitaire a attisé la consommation de biens et de services.

La transition aura été longue, mais ceux qui pariaient sur une période d’inflation transitoire semblent avoir eu raison.

Presque trois ans plus tard, dans la plupart des pays du G20, l’inflation est sur le point d’être maîtrisée. La crédibilité amochée des banques centrales s’en trouvera renforcée. On leur a reproché d’avoir trop attendu avant d’enclencher la hausse des taux d’intérêt, on les accuse maintenant de vouloir étrangler les consommateurs. Mais la politique monétaire, qu’on n’avait pas vue à l’œuvre depuis des décennies, est en train de prouver qu’elle fonctionne toujours.

On peut constater les ravages de l’inflation dans les pays qui renient leurs banques centrales, comme la Turquie.

Actuellement, dans la plupart des économies importantes, les banques centrales sont sur pause pour voir si elles en ont fait suffisamment pour gagner le combat. Pour combien de temps, on l’ignore, mais on sait que leur prochain geste sera une baisse de taux.

Il y en a des plus pressées que d’autres à vouloir baisser les taux d’intérêt. La banque centrale du Brésil, par exemple, a déjà réduit quatre fois son taux directeur, un des plus élevés au monde.

Un passage critique

La semaine dernière, la Banque centrale européenne a laissé son taux directeur inchangé, sa présidente Christine Lagarde estimant que le temps n’était pas encore venu de baisser… la garde, justement, même si l’inflation ralentit.

En Angleterre, la banque centrale a laissé la porte ouverte à d’autres hausses de taux, comme la Banque du Canada l’avait fait avant elle. Mais même l’hyper prudent gouverneur de la Banque du Canada a dit vendredi dernier que 2024 sera « une année de transition ».

La prudence est de mise parce que les banques centrales traversent un passage critique. Elles ne savent pas encore si l’inflation recule de façon permanente ou si leurs hausses de taux sont en train de provoquer une récession. Les deux sont possibles et leur crédibilité est encore dans la balance.

C’est pourquoi la Réserve fédérale a surpris tout le monde la semaine dernière en indiquant son intention de baisser trois, ou peut-être quatre fois son taux directeur en 2024. Deux semaines auparavant, son gouverneur, Jerome Powell, avait déclaré publiquement qu’il était prématuré d’envisager une baisse des taux.

La Fed a relevé 11 fois son taux directeur, dont la fourchette atteint maintenant 5,25 % à 5,50 %, son niveau le plus élevé en 20 ans. L’économie américaine n’a pas plié sous l’assaut. C’est plutôt le contraire, le produit intérieur brut américain continue de croître à un rythme étonnant.

Ailleurs dans le monde, les économies ont ralenti considérablement, certains pays flirtent avec la récession, mais ce n’est nulle part l’hécatombe appréhendée quand la guerre à l’inflation a commencé.

Gardons-nous quand même une petite gêne avant de parler de miracle et d’atterrissage réussi.