(Pékin) Les États-Unis et la Chine ont convenu lundi de tenir des conversations régulières sur les questions commerciales et l’accès aux technologies de pointe. C’est la plus récente initiative pour réduire les tensions entre les deux plus grandes économies du monde.

L’annonce a été faite lors d’une visite à Pékin de Gina Raimondo, secrétaire américaine au Commerce, qui rencontre cette semaine de hauts responsables chinois à Pékin et à Shanghai.

Cet accord sur la tenue de discussions est le dernier pas en date vers le raccommodage des liens entre les deux pays, un processus entrepris lors de trois voyages effectués depuis la mi-juin par de hauts fonctionnaires américains, le secrétaire d’État Antony Blinken, la secrétaire au Trésor Janet Yellen et John Kerry, envoyé du président pour le climat.

« Je pense que c’est un très bon signe que nous ayons convenu d’un dialogue concret allant au-delà de vagues engagements de continuer à parler ; il s’agit d’un canal officiel », a déclaré Mme Raimondo lundi soir à Pékin après quatre heures de négociations avec le ministre chinois du Commerce, Wang Wentao.

PHOTO ANDY WONG, ASSOCIATED PRESS

Les représentants chinois (à gauche) et américains ont abordé divers sujets épineux lors d’une réunion au ministère du Commerce à Pékin, lundi.

La discussion avec M. Wang a été « ouverte » et « pragmatique », a dit Mme Raimondo, ajoutant avoir exprimé les préoccupations des milieux d’affaires américains concernant les récentes mesures chinoises contre Intel et Micron Technology, deux entreprises américaines de semi-conducteurs. Le gouvernement chinois a fait échouer une importante acquisition prévue par Intel et a bloqué certaines ventes de Micron en Chine cette année.

Deux canaux de dialogue seront mis en place. Un groupe de travail comprenant des représentants d’entreprises portera sur les questions commerciales. L’autre instance permettra l’échange d’informations gouvernementales sur le contrôle des exportations.

Raccommoder les relations

Les discussions États-Unis–Chine sur le commerce, la technologie et d’autres questions économiques étaient autrefois la norme, mais elles se sont amenuisées ces dernières années. Il y a un an, la Chine s’est retirée de huit forums bilatéraux en représailles à une visite à Taïwan de l’élue Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants.

Le survol du territoire américain par un ballon-espion chinois l’hiver dernier – qui a finalement été abattu au-dessus de l’Atlantique – a aggravé les tensions entre la Chine et les États-Unis. M. Blinken avait alors annulé son voyage à Pékin, prévu en février.

PHOTO AVIATION AMÉRICAINE, ARCHIVES REUTERS

Une photo publiée le 23 février par le Pentagone montrait le ballon-espion chinois flottant au-dessus d’une vaste étendue au centre des États-Unis le 3 février et observé par le pilote d’un avion U2.

Mais un certain dégel est intervenu, et ces deux pays aux économies interreliées ont ouvert la porte à une reprise des relations diplomatiques.

Avant même son départ pour la Chine, des élus républicains ont reproché à Mme Raimondo d’avoir prévu un « groupe de travail » réunissant fonctionnaires américains et chinois pour discuter des contrôles américains à l’exportation. Quatre républicains de haut rang lui ont écrit qu’il était « profondément inapproprié que notre principal adversaire ait une quelconque influence sur les contrôles des technologies sensibles pour la sécurité nationale des États-Unis, que le peuple américain l’a chargée de protéger ».

Selon Mme Raimondo, ce nouveau forum n’est pas un groupe de travail : on y échangera de l’information sur les restrictions américaines à l’exportation de technologies avancées, mais sa création ne signifie pas que les États-Unis feront des compromis sur les enjeux de sécurité nationale. La première réunion doit avoir lieu ce mardi à Pékin.

Mme Raimondo et le ministre chinois du Commerce ont convenu de se rencontrer au moins une fois par an, a-t-elle ajouté.

L’engagement à discuter montre que les deux parties sont pragmatiques, dit He Weiwen, ancien fonctionnaire du ministère chinois du Commerce, aujourd’hui chercheur au Centre pour la Chine et la mondialisation à Pékin.

Les deux parties partagent la même approche pour résoudre les problèmes pratiques.

He Weiwen, chercheur au Centre pour la Chine et la mondialisation à Pékin

Toutefois, les relations politiques avec la Chine restent tendues. À Washington, l’idée d’une structure de dialogue formelle est critiquée par certains tenants de la ligne dure envers la Chine.

Courriels piratés avant le voyage

Matt Turpin, chercheur invité à la Hoover Institution et ancien directeur de la section Chine au Conseil de sécurité nationale, trouve cette initiative incompréhensible. Selon lui, la Chine ne mérite pas cette ouverture en raison de son refus de prendre des mesures pour stopper l’entrée de fentanyl aux États-Unis, de son alliance avec la Russie et du piratage des courriels de Mme Raimondo avant le voyage.

« Mme Raimondo semble avoir fait une concession importante à Pékin sans rien obtenir en retour », affirme M. Turpin.

Lors des réunions de lundi, les Chinois se sont dits préoccupés par la baisse des échanges commerciaux et des investissements bilatéraux entre les deux pays, et par des enjeux liés aux subventions gouvernementales américaines, a indiqué un haut fonctionnaire du département du Commerce. De l’autre côté, on a relayé les préoccupations des entreprises et investisseurs américains, qui jugent inéquitables les exigences auxquelles sont soumises les entreprises étrangères. L’opacité croissante des statistiques économiques chinoises a aussi été évoquée. Ce mois-ci, la Chine a cessé de publier les données sur le chômage des jeunes, après que ce chiffre ait atteint un niveau record au début de l’été.

Mme Raimondo dit s’être entretenue avec près de 150 chefs d’entreprise avant son voyage, qui ont exprimé la nécessité de plus de canaux de communication.

Une économie chinoise en croissance qui respecte les règles est dans l’intérêt commun.

Gina Raimondo, secrétaire américaine au Commerce

Depuis le ralentissement de son économie cet été, la Chine a assoupli sa position sur certains enjeux. La dernière mesure en date a été prise lundi : le ministère des Affaires étrangères a annoncé que dès mercredi, les voyageurs se rendant en Chine ne devront plus se soumettre à un test de dépistage de la COVID-19.

Michael Hart, président de la Chambre de commerce américaine en Chine, estime que les responsables chinois ont changé d’orientation cet été et se montrent plus enclins à discuter.

« Auparavant, toutes les réunions commençaient par cinq minutes où tout était de la faute des États-Unis. Aujourd’hui, les choses se sont nettement calmées. Les représentants du gouvernement comprennent l’importance du commerce États-Unis – Chine », dit M. Hart.

Cet article a été publié dans The New York Times.

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