(New York) Depuis un an, un voyant rouge annonçant une récession clignote à Wall Street. Mais certains investisseurs pensent que c’est une fausse alarme et que la Réserve fédérale saura maîtriser l’inflation sans que survienne un profond ralentissement économique.

Ce signal d’alarme, la « courbe de rendement », est resté visible en 2023 ; depuis peu, il a une intensité qu’on n’avait pas vue depuis le début des années 1980. Pourtant, malgré ce mauvais augure, le marché boursier s’est redressé et l’économie demeure forte ; alors certains analystes et investisseurs s’interrogent sur la valeur prédictive de ce signal.

Mercredi, l’indice des prix à la consommation de juin a révélé un fort ralentissement de l’inflation, augmentant l’optimisme des investisseurs et poussant encore les actions à la hausse.

Courbe de rendement inversée

La courbe de rendement montre la différence entre le rendement des obligations fédérales américaines de différentes échéances. Règle générale, les investisseurs exigent davantage d’intérêts pour prêter à long terme : ces rendements sont donc généralement plus élevés que ceux des obligations à court terme. Sur un graphique, ça donne une courbe ascendante. Depuis un an, la courbe s’est inversée : le rendement des obligations à court terme est plus élevé que celui des obligations à long terme.

Cette inversion suggère que les investisseurs s’attendent à ce que les taux d’intérêt baissent… ce qui se produit quand l’économie a besoin de soutien et que la Réserve fédérale abaisse son taux directeur.

Or, l’économie américaine ralentit, mais reste robuste, même après une hausse substantielle des taux.

« Cette fois-ci, je suis enclin à accorder moins d’importance à la courbe de rendement », dit Subadra Rajappa, analyste des taux d’intérêt à la Société Générale.

Une des mesures courantes de la courbe des rendements a atteint cette année des niveaux inégalés depuis 40 ans : le rendement des obligations de deux ans est supérieur d’environ 0,9 point de pourcentage à celui des obligations de 10 ans.

On a vu une telle inversion au début des années 1980, quand la Fed combattait l’inflation galopante, ce qui a entraîné la récession de 1981-1982.

Il est difficile de prévoir le délai entre une inversion de la courbe des taux et une récession, et ce délai varie beaucoup. Néanmoins, depuis cinq décennies, c’est un indicateur fiable.

Arturo Estrella, un des premiers à utiliser la courbe des taux comme outil de prévision, a déclaré cette semaine qu’en général l’inflation ralentit après le début d’une récession, mais que le rythme rapide des augmentations de taux depuis un an pourrait avoir bouleversé l’ordre normal.

Je pense encore qu’il y aura une récession.

Arturo Estrella, ancien économiste de la Réserve fédérale américaine

D’autres estiment qu’il pourrait en être autrement cette fois-ci, car les conditions actuelles sont inédites : l’économie se remet de la pandémie, le taux de chômage est bas et les entreprises et les consommateurs se portent plutôt bien.

« Notre situation actuelle est très atypique », dit Bryce Doty, gestionnaire de portefeuille chez Sit Investment Associates. « Je ne crois pas qu’elle annonce une récession. C’est un soulagement que l’inflation diminue. »

Cet article a été publié dans The New York Times.

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