Malgré la baisse d’un point complet de pourcentage d’avril à mai de l’Indice des prix à la consommation, l’inflation reste encore élevée au Canada, et la plupart des économistes estiment que la Banque du Canada augmentera de nouveau son taux directeur le mois prochain.

Après avoir resurgi en avril, le taux d’inflation a repris sa décélération en mai, surtout encore une fois en raison de la baisse des prix de l’énergie. L’Indice des prix à la consommation (IPC) se rapproche de la cible de 2 % de la Banque du Canada, mais le reste du chemin s’annonce ardu, compte tenu de la vigueur de l’économie et de la résistance du marché du travail, malgré neuf hausses du taux directeur.

De 4,4 % à 3,4 %

L’IPC a ralenti de 4,4 % en avril à 3,4 % en mai sur une base annuelle pour atteindre son niveau le plus bas depuis juin 2021, a fait savoir mardi Statistique Canada. Cette nouvelle est moins bonne qu’elle en a l’air, parce que le ralentissement marqué du taux annuel d’inflation s’explique surtout par la comparaison avec la forte hausse des prix du mois de mai 2022, ce qu’on appelle l’effet de base. D’un mois à l’autre, l’IPC est en hausse de 0,4 %, ce qui est conforme aux attentes des observateurs.

Au Québec, l’inflation mensuelle est en hausse de 0,7 % en mai et l’augmentation annuelle a ralenti de 4,8 % en avril à 4 % en mai, ce qui est supérieur à la moyenne nationale.

Une inflation tenace à l’épicerie

Malgré la baisse des prix internationaux des produits de base, l’inflation alimentaire reste élevée, à 8,3 %. Ce chiffre inclut les prix à l’épicerie, en hausse de 9 %, et les prix au restaurant, qui augmentent de 6,8 % sur une base annuelle.

« L’inflation alimentaire devrait probablement ralentir, mais ça restera difficile pendant quelque temps encore pour les consommateurs », a commenté l’économiste de la BMO Benjamin Reitzes.

Avec les aliments, l’augmentation des taux hypothécaires a aussi contribué à la hausse des prix en mai. L’indice du coût de l’intérêt hypothécaire, en hausse de 29,9 %, est le principal facteur à l’origine de l’augmentation de l’IPC d’une année à l’autre, selon Statistique Canada.

L’énergie au centre de la baisse

Le ralentissement de la hausse annuelle des prix s’explique en grande partie par la baisse des prix de l’essence, qui avaient été gonflés l’an dernier par l’impact de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

La croissance des prix des biens durables continue de ralentir, à mesure que les chaînes d’approvisionnement reviennent à la normale. Le prix des meubles, par exemple, est en baisse de 2,9 %, tandis que le prix des voitures continue d’augmenter, mais à un rythme le plus lent depuis février 2021.

Du côté des services, le prix des forfaits cellulaires est en baisse de 8,2 % d’une année à l’autre tandis que les services reliés aux voyages, comme l’hébergement, sont en hausse et ont contribué à l’augmentation de l’indice de base. L’IPC de mai reflète un panier de biens et services qui a été mis à jour par Statistique Canada. Le poids des aliments et de l’essence est plus grand dans la nouvelle pondération de l’indice. Les DVD ont été éliminés et les services d’abonnement numériques ont été ajoutés, entre autres changements.

Selon les économistes de Desjardins, les nouvelles pondérations ont eu un léger effet à la hausse sur les résultats de l’inflation du mois de mai.

Le taux directeur à 5 % cet été

À 3,4 %, le taux annuel d’inflation est maintenant tout près de la prévision de la Banque du Canada, qui était à 3 % cet été. Cette prévision devrait être bonne, selon les économistes de la Banque Nationale, qui estiment que l’inflation mesurée par l’IPC devrait ralentir encore le mois prochain (juin), avant la prochaine décision sur les taux d’intérêt prévue le 12 juillet.

Les mesures de l’inflation de base que surveille la Banque du Canada (IPC-Tronq et IPC-Med) s’améliorent aussi, mais pas assez au goût des autorités monétaires, selon plusieurs économistes. Malgré cette amélioration, on est encore loin de la cible de 2 % et « l’inflation reste encore un sérieux problème pour la Banque du Canada », dit Benjamin Reitzes, de BMO.

Pour l’économiste de Desjardins Randall Barlett, la demande reste encore trop forte pour espérer un retour prochain à la cible de 2 %. L’économie canadienne devrait croître à un rythme annuel de 2 % au deuxième trimestre, ce qui est deux fois plus élevé que la prévision de 1 % de la Banque du Canada, note-t-il.

« Nous continuons de croire que la Banque du Canada relèvera le taux directeur d’un autre 25 points de base en juillet (pour le porter à 5 %) tout en laissant la porte ouverte à un nouveau resserrement si les données ne collaborent pas cet été », prédit-il.

L’économie encore solide au Québec

L’économie québécoise a conclu les trois premiers mois de l’année avec une solide croissance de 1,7 %, ce qui déjoue encore les pronostics de récession prochaine. C’est la dixième hausse trimestrielle en 11 trimestres, souligne l’économiste de la Banque Nationale Daren King.

Les Québécois ont continué de consommer allègrement, ce qui explique la bonne tenue de l’économie. L’aide financière versée par le gouvernement Legault pour faire face à l’augmentation du coût de la vie stimule la consommation depuis la fin de 2022, mais cet élan tire à sa fin, selon lui. Le revenu disponible des Québécois revient à la normale et le taux d’épargne des ménages a chuté de 12,2 % à 6,3 %, sous son niveau d’avant la pandémie. « Les Québécois commencent à puiser dans leur bas de laine pour maintenir leur rythme de vie », constate l’économiste.

« Les dépenses de consommation ne pourront maintenir ce rythme très longtemps », souligne de son côté Hélène Bégin, économiste de Desjardins, qui estime que cette croissance de 1,7 % au premier trimestre pourrait être « le dernier souffle avant des résultats plus négatifs ».